Les établissements de soins pour personnes âgées du secteur public pourront demander des tarifs plus élevés aux résidents les plus aisés. Un projet de loi en cours d'adoption donne la possibilité aux maisons de retraite pour personnes âgées dépendantes de fixer des tarifs plus élevés pour les résidents qui ne reçoivent pas d'aide sociale pour leur logement. Cette mesure vise à alléger les difficultés financières actuelles des Ehpad publics et associatifs, qui sont fréquemment en situation de déficit.
Par Solenn Poullennec
Il est fort probable que les coûts des Ehpad publics ou associatifs soient revus à la hausse en France. Afin d'atténuer les problèmes financiers de ces institutions, les législateurs suggèrent d'augmenter les frais pour les individus les plus fortunés. Ils ont approuvé une mesure de ce type dans le projet de loi sur le "bien vieillir", qui est sur le point d'être définitivement adopté sous peu.
Cette mesure va créer "de nouvelles possibilités", a commenté la Fédération hospitalière de France (FHF), qui représente les Ehpad publics. "Cela allège un peu la pression pour que les Ehpad non lucratifs puissent avoir plus de ressources", explique Daniel Goldberg, de l'Uniopss, une organisation qui représente les entités non lucratives.
Prix réglementés
Aujourd'hui, les prix dans les Ehpad publics et associatifs (qui représentent environ 70% des places disponibles) sont strictement réglementés. Les départements, qui financent l'aide sociale à l'hébergement (ASH) pour faciliter l'accueil des personnes les plus démunies, limitent les coûts facturés aux résidents pour leur hébergement.
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En conséquence, ces maisons de retraite n'ont que peu de marge pour absorber la hausse de leurs dépenses dans un contexte d'inflation. La pandémie de Covid et le scandale Orpea ont également affecté le taux d'occupation, conduisant un grand nombre d'établissements à sombrer dans le déficit. A tel point que le gouvernement a dû fournir des fonds d'urgence pour compenser ces déficits l'été dernier.
Afin de maintenir les Ehpad à flot, la législation envisage qu'ils puissent augmenter leurs revenus à partir de l'année prochaine en instaurant plusieurs tarifs pour les résidents. Ceux qui sont les plus démunis, bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement, continueront de jouir des tarifs les plus abordables, alors que les résidents disposant d'un budget plus conséquent pourraient devoir débourser davantage.
Plus de souplesse
En France, quelques institutions offrent déjà des frais variés en fonction des revenus. Les Ehpad du groupe SOS sont souvent mentionnés comme exemple de ceux qui imposent des "loyers supplémentaires" pour les résidents plus fortunés. Le département de la Mayenne et la collectivité européenne d'Alsace ont été les pionniers de cette différenciation.
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La législation concernant le vieillissement en bonne santé devrait néanmoins la rendre plus aisée à mettre en place. "Les fournisseurs n'auront plus besoin de l'approbation du département pour varier les prix. L'application se fera beaucoup plus rapidement", affirme Marc Bourquin à la FHF.
"En tant qu'entreprise, il n'est pas viable de compter sur 100 transactions dans 100 départements différents. À présent, la loi va s'appliquer uniformément à tous les départements", déclare Hubert Valade, le président de l'association France Horizon qui gère des Ehpad. "Cela nous permettra d'ajuster les tarifs [des plus fortunés] en fonction de l'inflation, comme le font déjà les Ehpad privés", ajoute-t-il avec satisfaction, soulignant que les pensions de retraite ont été revalorisées cette année.
Effet d'exclusion
Ces modifications, introduites par les sénateurs de droite, n'ont pas été facilement acceptées. Le gouvernement a même exprimé son opposition lors des discussions en session, craignant une exclusion des plus démunis. "Si une surtaxe est systématiquement imposée dans les maisons de retraite en fonction des revenus, cela équivaut à privilégier l'accueil des personnes financièrement stables au détriment des autres", a prévenu la ministre en charge de la Solidarité, Catherine Vautrin.
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Pour surmonter les objections, les législateurs ont défini les limites pour augmenter les prix. "Cela devrait empêcher tout abus", précise Laurence Cristol, députée de Renaissance. Pour éviter une augmentation excessive de la facture des plus riches, un décret définira une différence maximale entre les prix facturés à ces derniers et ceux appliqués aux bénéficiaires de l'aide sociale. De plus, les institutions devront maintenir un quota minimum de bénéficiaires de l'aide sociale qu'elles accueillent.
"Nous n'anticipons pas une variation drastique des tarifs, mais cela offre à l'Ehpad une certaine flexibilité pour les rénovations ou les embauches," explique le député socialiste Jérôme Guedj, qui soutient fortement ces mesures de la loi sur le bien vieillir. Cependant, elle est considérée par tous comme insuffisante pour répondre aux défis du vieillissement de la population.
Solenn Poullennec
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