Suppression de l’Aide Médicale d’Etat : entre controverses humanitaires et impératifs financiers, décryptage en cinq points clés

Loi sur l’immigration : cinq points à clarifier concernant l’assistance médicale d’Etat

Mardi soir, les sénateurs ont approuvé l’abolition de l’assistance médicale d’Etat (AME) et sa substitution par une aide médicale d’urgence (AMU). Ceux qui soutiennent le système déclarent qu’il s’agit d’une « aberration sur les plans humanitaire, sanitaire et économique ».

Par Tifenn Clinkemaillié

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Mardi soir, un amendement visant à supprimer l’aide médicale d’Etat (AME) a été massivement approuvé par les sénateurs. Ce programme, qui offre aux personnes en situation irrégulière une couverture pour leurs frais médicaux et hospitaliers, pourrait être substitué par une aide médicale d’urgence (AMU).

L’Assemblée nationale, qui commencera à examiner le texte à partir du 11 décembre, pourrait abroger cette disposition. Qui est éligible à l’AME ? Quels sont les critères ? Quels points soulignent ses partisans ? Voici quelques éclaircissements.

1. Qu’est-ce que l’AME ?

L’AME, ou l’aide médicale d’État, est un système qui a été mis en place le 1er janvier 2000. Il offre aux étrangers qui n’ont pas de statut légal la possibilité d’avoir tous leurs frais médicaux et hospitaliers couverts, à condition que ces frais ne dépassent pas les tarifs fixés par la Sécurité sociale.

L’AME est principalement octroyée sur la base du critère de résidence : l’individu qui la sollicite doit donc résider en France depuis plus de trois mois et ne doit pas posséder de permis de séjour. Cette aide est également conditionnée par le niveau de revenus. Pour y prétendre, une personne isolée doit, par exemple, percevoir moins de 9.719 euros par an en métropole.

Pour l’acquérir, il faut compléter un dossier et le soumettre en personne aux caisses primaires de l’Assurance-maladie (CPAM). Une fois octroyée, l’AME est valable pour une année. Il est nécessaire de faire une demande de renouvellement annuellement.

2. Quel est le prix ?

Pour l’année 2024, approximativement 1,2 milliard d’euros ont été alloués dans le budget pour financer le programme, ce qui représente une augmentation modeste par rapport à 2023. Même si cette croissance ralentit, elle est toujours notable comparée à 2017 : les frais de l’AME s’élevaient alors à environ 800 millions.

L’effectif des bénéficiaires est également en hausse. Il s’élevait à 411.364 à la fin de 2022, comparé à 380.762 l’année précédente, ce qui représente une augmentation de 8%. En 2003, ils n’étaient que 180.000.

3. Qu’est-ce que la droite suggère ?

Lors de la révision du projet de loi sur l’immigration au Sénat, la droite réclamait une refonte de l’AME. Une proposition de modification a été faite en ce sens. Mardi soir, la suppression de l’AME pour la convertir en “assistance médicale d’urgence” (AMU) a finalement été approuvée par les sénateurs.

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Si cette loi venait à être adoptée – elle doit encore passer devant l’Assemblée nationale – l’assistance médicale d’urgence serait réorientée vers le traitement des « maladies graves et des douleurs sévères », la prévention, les soins de maternité, les vaccinations et les contrôles de médecine préventive. La justification de ce changement législatif, sollicité depuis longtemps, par la droite, est le danger potentiel d’un « effet d’attraction migratoire » que l’AME pourrait, à leur avis, représenter.

Le prix de l’assistance actuelle est également critiqué. “Pour les individus en position illégale, ils bénéficient d’un ensemble de services de santé presque identiques à ceux disponibles pour les Français. Cela deviendra intenable sur le plan financier”, prévoit la députée LR Véronique Louwagie, qui a initié le projet de loi.

4. Quelle est la perspective du gouvernement ?

Au moment du scrutin au Sénat, le gouvernement ne s’est pas opposé à l’élimination de l’AME. Agnès Firmin Le Bodo, la ministre adjointe à la Santé, a expliqué la position du gouvernement en disant que cette réforme « n’a pas sa place » dans le projet de loi sur l’immigration. « Il est illogique de mélanger les discussions sur l’AME et la régulation de l’immigration », a-t-elle affirmé, en soulignant que « le gouvernement tient beaucoup à l’AME », un « mécanisme de santé publique ».

Des discussions animées ont lieu concernant l’abolition de l’#AME au #Sénat. Selon moi, ce débat n’est pas pertinent pour ce projet de loi qui vise à réguler l’immigration et à renforcer l’intégration”, souligne @agnesfirmin > “Le gouvernement reste engagé envers l’AME”, déclare la ministre.

En vérité, il y a également des divergences d’opinions au sein de la majorité sur ce sujet. Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a exprimé personnellement son soutien à l’idée de supprimer l’AME et de la remplacer par l’AMU. Bien que ce ne soit pas l’approche initialement adoptée par le gouvernement, il a déclaré dans “Le Parisien” que c’était un compromis judicieux, combinant rigueur et compassion.

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Dans la continuité, la chef du gouvernement avait assigné une tâche à Patrick Stefanini et Claude Evin pour déterminer si des ajustements étaient requis. Leur rapport provisoire conclut que l’aide médicale d’État n’est pas un « aimant » pour les étrangers. Un grand nombre d’immigrants sans documents officiels ne la sollicitent d’ailleurs pas : le taux d’utilisation est de 50 %. Enfin, « une personne bénéficiant de l’AME n’utilise pas plus de services de santé qu’une personne qui n’en bénéficie pas », a affirmé le porte-parole de l’administration, Olivier Véran.

Cependant, l’administration n’écarte pas l’idée de faire des modifications. Patrick Stefanini et Claude Evin parlent d’une éventuelle restriction de l’AME sur une durée limitée, afin de ne pas encourager la clandestinité.

5. Quels sont les principaux points avancés par les partisans de l’AME ?

La révision a provoqué une forte résistance de la part des sénateurs de gauche ainsi que des professionnels médicaux. Ceux qui soutiennent ce système le voient comme un élément crucial pour la santé individuelle et collective. L’AME contribue notamment à contenir la diffusion des maladies contagieuses, car les individus défavorisés sont fréquemment exposés à ces types d’infections. Elle présente également un avantage économique : en prodiguant rapidement des soins pour une maladie, on évite ainsi des traitements plus complexes et plus coûteux. 

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Ce mercredi, l’association des hôpitaux publics a critiqué ce qu’elle a appelé une “absurdité sur le plan humanitaire, sanitaire et financier”, tout en soulignant le danger de “conséquences catastrophiques” sur le système de santé, déjà en difficulté. Selon elle, cette réforme “contribue à affaiblir notre système de santé, à l’opposé de la transition vers la prévention désirée par tous les intervenants”, déplorant que “les enseignements tirés de la pandémie de Covid-19 semblent être ignorés”.

“Sur le plan économique, l’élimination de l’AME pourrait gravement déstabiliser un hôpital public déjà sous pression budgétaire” en le privant “des fonds liés au soin des patients, qui continueraient à recevoir des soins”, ajoute la fédération. Elle exhorte l’Assemblée nationale, qui examinera le texte à partir du 11 décembre, à réinstaurer “ce mécanisme de protection crucial”.

Tifenn Clinkemaillie

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