Retraites : Inquiétudes syndicales face aux nouvelles perspectives financières pessimistes du système

Pensions : le débat sur l'avenir financier du système refait surface

Le Conseil d'orientation des retraites, responsable d'informer le gouvernement, pourrait envisager des scénarios de productivité moins optimistes qu'auparavant pour évaluer la stabilité future du système de retraite. Cela pourrait provoquer des préoccupations parmi les syndicats.

Par Solenn Poullennec

L'aspect technique du débat pourrait dissuader plusieurs personnes, mais c'est l'évaluation de la nécessité d'une autre réforme de retraite qui est en question. L'autorité indépendante qui guide le gouvernement en matière de retraite pourrait choisir jeudi prochain d'examiner des scénarios moins favorables que ceux envisagés précédemment pour évaluer la stabilité du système de pension.

Le secrétariat du Conseil d'orientation des retraites (COR) a suggéré, en prévision de la sortie d'une nouvelle étude sur la viabilité financière du système en juin prochain, de revoir à la baisse les prévisions de productivité pour anticiper l'état futur des finances du système. Cette proposition a été découverte dans une note consultée par le journal "Les Echos" et révélée par "Le Monde".

Les syndicats sur leurs gardes

La productivité influence le montant des salaires qui sont taxés pour financer les pensions. Sa progression, sujet de discussions constantes entre experts économiques, est essentielle pour évaluer les fonds du système de retraite et donc déterminer si une réforme est nécessaire. Par conséquent, ce sujet pourrait être vivement débattu jeudi prochain par les syndicats membres du COR, qui ont formé une coalition pour s'opposer à l'augmentation de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans, imposée l'année dernière.

Les syndicats se montrent particulièrement prudents car le gouvernement avait exprimé son désaccord avec les opinions de l'ancien président du COR, qu'il trouvait hostiles à la réforme des retraites. En revanche, le nouveau dirigeant de l'instance, désigné par le gouvernement, Gilbert Cette, a approuvé la réforme, estimant même qu'elle aurait pu être "plus audacieuse".

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En décomposant cela, le COR prévoirait, pour son modèle standard, une augmentation de la productivité par heure de 0,7 % chaque année en moyenne, ce qui correspond au taux enregistré entre 2005 et 2019, avant l'arrivée de la pandémie. Le comité d'experts évaluerait aussi l'impact sur le système d'une hausse de la productivité de 0,4 % par an (la croissance moyenne notée entre 2005 et 2022), tandis que dans ses rapports récents, le scénario le plus défavorable envisagé était de 0,7 %.

Diminution des naissances

Pour les départements du Conseil, il est nécessaire d'adapter leurs stratégies en fonction de la "diminution significative de la productivité" qui a été très notable ces dernières années. Pierre-Yves Chanu, le délégué de la CGT, fait remarquer que l'on ne peut pas baser la croissance potentielle sur les observations des années passées. "Il semble tout à fait sensé d'avoir des prévisions de productivité qui correspondent davantage à la réalité", répond en revanche Eric Chevée, le représentant de la CPME, du côté des employeurs.

Ces modifications des suppositions sont significatives. L'année dernière, même avec une augmentation de la productivité de 1%, le COR avait averti que le régime de retraite resterait déficitaire malgré l'élargissement de l'âge légal de la retraite de 62 à 64 ans. Le déficit pourrait atteindre 0,2% du PIB en 2030.

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En supposant une croissance de productivité de 0,7% chaque année, le déficit devrait augmenter légèrement à long terme. De plus, au fil des années, la divergence devrait s'élargir et le déficit devenir plus sévère. Ce phénomène survient alors que le taux de natalité diminue et l'espérance de vie augmente. Toutes ces tendances devraient inciter le COR à ajuster ses prévisions démographiques dans un futur proche.

"Le consensus est compromis"

Au-delà des interrogations fondamentales sur la progression de la productivité, les syndicats sont aussi préoccupés par des questions de présentation. Dans une tentative de rendre ses évaluations plus claires, le COR envisage d'adopter un unique scénario de référence. Pour Christelle Thieffinne de la CFE-CGC, le danger est de transformer les évaluations du COR en un enjeu politique. "C'est un sujet délicat, nous devons préserver sa complexité. Ensuite, le gouvernement doit faire des choix."

Un autre membre du Conseil craint que le consensus au sein du COR soit en danger. Auparavant, il y avait une diversité d'interprétations possibles et chacun pouvait y trouver son compte. Maintenant, nous sommes confrontés à une analyse très pessimiste qui suggère une réforme urgente des retraites. Cette interprétation suscite l'amusement du côté des employeurs. Eric Chevée de la CPME réfute l'idée que le consensus était autrefois une réalité et que ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il soutient qu'il n'y a jamais eu de consensus.

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Agirc-Arrco : conclusion du « désavantage » sur les pensions supplémentaires de 700 000 citoyens français.

Solenn Poullennec

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