Réforme de l’assurance-chômage 2024 : ce que vous devez savoir sur les nouvelles règles et leur impact

Nouveau changement dans l'assurance-chômage : informations essentielles

Par Valérie Mazuir

Gabriel Attal a déclaré qu'une nouvelle modification de l'assurance-chômage sera mise en place en 2024, dans l'intention de rendre les conditions plus strictes pour encourager la réintégration au travail. Voici une clarification.

Une autre modification de l'assurance-chômage pourrait être à l'horizon. Emmanuel Macron s'est engagé à atteindre le plein emploi en France d'ici 2027, ce qui signifie un taux de chômage d'environ 5% de la population active à la fin de son deuxième mandat, contre 7,5% fin 2023. Son Premier ministre, Gabriel Attal, a confirmé le 27 mars 2024, lors du journal de 20h sur TF1, qu'il envisage une nouvelle réforme "complète" de l'assurance-chômage qui réduirait la période pendant laquelle les chômeurs peuvent toucher des indemnités.

« Je ne vise pas à attaquer une personne en particulier ou les demandeurs d'emploi, mon but est de provoquer un changement dans le système pour encourager davantage la reprise du travail », a argumenté le chef du gouvernement.

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Quand cette nouvelle réforme entrera-t-elle en vigueur ? Quels aspects pourraient être révisés ? Comment la proposition est-elle reçue ? Comment sont les chômeurs actuellement indemnisés ? Vous trouverez des réponses à ces questions dans ce dossier, accompagné de liens vers les analyses d'experts des "Echos".

· Qu'est-ce que le calendrier? :

Romuald Meigneux/SIPA

Le système d'assurance-chômage est géré par les acteurs sociaux – les syndicats et les employeurs – par le biais de l'Unédic. Ils révisent les règles tous les deux à trois ans pour s'adapter aux changements du marché du travail.

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Pour modifier les critères de l'assurance-chômage, l'exécutif n'a pas l'obligation de solliciter l'approbation du Parlement. Il doit engager une négociation avec les acteurs sociaux, par le biais d'un « mandat de négociation », et si leurs pourparlers ne portent pas leurs fruits, il a la possibilité de reprendre le contrôle par décret.

Alors que l'accord précédemment discuté à l'automne 2023 par les acteurs sociaux n'a pas encore été finalisé, en raison de l'attente d'un complément concernant les indemnités des personnes âgées en cours de débat, Gabriel Attal a exprimé son intention de leur demander d'initier rapidement de nouvelles pourparlers. En effet, le Premier ministre souhaite accélérer le processus : il demande des critères pour l'été 2024 et une application à l'automne de la même année. Cela pourrait perturber les acteurs sociaux qui, s'ils ne parviennent pas à trouver un consensus, pourraient perdre leurs pouvoirs.

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· Ce qui pourrait être modifié :

Le 27 mars 2024, Gabriel Attal. Photo prise par Jeanne Accorsini/SIPA.

Depuis 2017, le gouvernement majoritaire a apporté de nombreuses modifications en ce qui concerne l'assurance-chômage. La réforme de 2021 a modifié la façon dont l'allocation est calculée, a augmenté la période requise pour bénéficier de la couverture et a mis en place une réduction progressive pour les salaires élevés. La réforme de 2023 a quant à elle introduit une adaptation de la durée de l'indemnisation en fonction de la situation économique (contracyclicité).

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Le 27 mars 2024, Gabriel Attal a annoncé qu'une des options envisagées était de diminuer la période d'indemnisation de "plusieurs mois", tout en maintenant une durée minimale de 12 mois, alors qu'elle est actuellement de 18 mois pour les personnes de moins de 53 ans.

Il a également discuté du temps d'adhésion nécessaire pour être éligible à des indemnités. "Actuellement, il faut avoir travaillé 6 mois au cours des deux dernières années. On pourrait envisager soit d'augmenter ce temps de travail sur les 24 derniers mois, soit de réduire la période d'évaluation à moins de 24 mois, comme par exemple 18 mois", a-t-il clarifié sur TF1.

En ce qui concerne le "troisième facteur", qui est le taux d'indemnisation du chômage, c'est-à-dire "le montant que vous recevez lorsque vous êtes sans emploi et comment cela diminue progressivement pour vous encourager à retrouver un emploi, c'est l'un des domaines qui a le moins ma faveur", a souligné le chef du gouvernement.

Cependant, il est resté flexible quant à la durée de l'indemnisation des personnes âgées, un sujet qui fait actuellement l'objet de négociations entre les employeurs et les syndicats. « Parmi les options proposées, on entend dire qu'il pourrait y avoir une augmentation de deux ans de l'âge limite pour le régime des seniors, ce qui serait en accord avec la dernière réforme des retraites », a-t-il précisé.

· Quelle est la réception du projet ?

Thomas Hubert/SIPA

L'idée d'une telle réforme a provoqué une vive réaction des syndicats. Denis Gravouil de la CGT a exprimé son indignation, qualifiant la réforme d'inacceptable tant sur le plan de la méthode que sur le fond. Marylise Léon, à la tête de la CFDT, a souligné que le système d'assurance-chômage ne devrait pas servir à équilibrer le budget de l'Etat. François Hommeril, président de la CFE-CGC, s'est dit choqué par le discours cynique de Gabriel Attal, qui semble ignorer la réalité du chômage. Cyril Chabanier, leader de la CFTC, a exprimé de vives inquiétudes. Michel Beaugas de FO a critiqué le Premier ministre, dénonçant son discours comme une belle histoire selon laquelle l'assurance-chômage dissuaderait les employeurs d'embaucher.

Les dirigeants d'entreprises ont exprimé leur prudence. "Cette réforme est possible", a admis Philippe Martin, le dirigeant du Medef, mais il a insisté sur le fait que l'objectif d'un emploi universel serait d'abord atteint "si l'économie retrouve une performance satisfaisante". "Lorsque la France a plus de 3 millions de chômeurs indemnisés et que, simultanément, les responsables d'entreprises éprouvent de grandes difficultés à embaucher, il est crucial d'intervenir pour encourager la réinsertion professionnelle", a jugé la CPME. Après une perte d'emploi, "il est nécessaire de se réinsérer le plus rapidement possible sur le marché du travail", a souligné son dirigeant, François Asselin.

Thomas Hubert/SIPA

Les experts en économie ont des opinions divergentes. Eric Heyer de l'OFCE a déclaré à l'AFP que, dans le contexte économique actuel où le taux de chômage a augmenté au cours des deux derniers trimestres, on ne devrait pas anticiper une efficacité immédiate de ces mesures. Selon lui, d'autres alternatives, comme ajuster le calcul des droits des chômeurs, pourraient être plus bénéfiques. Cependant, il a insisté sur le fait que croire que la réduction des droits encourage la reprise de l'emploi est une erreur. Il admet cependant que le durcissement de ces mesures peut permettre des économies – il cite le ministère du Travail qui envisage entre 1 et 3 milliards d'euros d'économies – et peut rassurer les partenaires européens ainsi que les marchés financiers. Il a également souligné que critiquer les chômeurs est généralement bien perçu par le public.

Yannick L'Horty, professeur d'économie à l'université Gustave-Eiffel, reconnaît que les mesures de durcissement peuvent effectivement aider à stimuler le retour à l'emploi. Cependant, il exprime des préoccupations quant à la manière dont cela peut rendre la relation entre un employé et son travail plus précaire. Il explique que les travailleurs ont tendance à ne pas rester longtemps dans des emplois qui ne correspondent pas vraiment à leurs préférences, mais qu'ils sont souvent forcés d'accepter.

"Les initiatives de création d'emploi facilitent la réintégration au travail", note Annie Jolivet, du Centre d'études sur l'emploi et le travail du CNAM. Selon cette spécialiste, il est inutile d'ajuster les conditions d'indemnisation des demandeurs d'emploi si le but principal est de pourvoir aux postes vacants.

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Sur le plan politique, cette modification survient à un moment critique pour l'administration en place, qui fait face à une crise sans précédent due à l'augmentation du déficit public à 5,5% en 2023. Les adversaires politiques ont accusé le gouvernement d'économiser de l'argent en exploitant les chômeurs. Plusieurs personnalités influentes de la faction de gauche du parti de Macron ont également exprimé leurs inquiétudes et leurs critiques.

"Je ne suis pas en accord avec toi lorsque tu dis qu'on ne devrait pas faire de réforme à cause du chômage stagnant", a rétorqué Gabriel Attal, tout en plaidant pour une réforme "orientée vers la productivité et la prospérité". "Nous souhaitons financer les services publics et les Ehpad", et non "augmenter davantage le coût des soins de santé".

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· Comment est organisée la compensation financière pour les personnes au chômage :

Mourad Allili/SIPA

Les employés sont couverts contre le risque de perdre leur emploi. Cependant, tous ceux qui cherchent du travail ne reçoivent pas de compensation, loin s'en faut – pour certains, c'est parce qu'ils n'ont pas eu un emploi assez longtemps.

Durant le troisième quart de l'année 2023, parmi les 6,1 millions de personnes cherchant un emploi et inscrites à France Travail (toutes catégories incluses), seulement 2,6 millions d'entre elles ont bénéficié d'une indemnisation, ce qui représente 42,6 %, d'après les chiffres de l'Unédic. En moyenne, la prestation mensuelle nette s'élevait à 1.033 euros.

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L'administration a déjà effectué deux modifications de l'assurance-chômage, une en 2019 et une autre en 2023, en instaurant une politique de "contracyclicité". Cela signifie que les critères d'indemnisation deviennent plus stricts lorsque le taux de chômage diminue et se relâchent quand il monte.

Après la réforme de 2019, la méthode de calcul du Salaire Journalier de Référence (SJR), qui sert de base pour l'allocation chômage, a changé à compter du 1er octobre 2021. Ce salaire tient compte à la fois des jours travaillés et des jours non travaillés sur les 24 mois précédant la période de chômage (avec un minimum assuré pour l'allocation). Cette situation désavantage les personnes à la recherche d'un emploi qui alternent entre chômage et travail. Auparavant, l'indemnisation était calculée en divisant les revenus par le nombre de jours travaillés uniquement pendant la période de référence.

Depuis le 1er décembre 2021, pour être éligible à certains droits, une période de travail de six mois est requise sur les deux dernières années (ou trois ans pour ceux de plus de 53 ans). Avant cette date, une durée de travail de quatre mois était suffisante.

La période d'indemnisation commence à 6 mois (182 jours) au minimum. Le temps maximal d'indemnisation dépend de l'âge : actuellement, il est de 18 mois pour ceux qui ont moins de 53 ans, 22,5 mois pour ceux qui ont entre 53 et 54 ans et 27 mois pour les personnes de 55 ans et plus. Depuis le 1er février 2023, la durée de l'indemnisation a diminué de 25%.

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Valérie Mazuir (en collaboration avec AFP)

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