Réduction du délai de recours en cas de licenciement : les syndicats et le patronat disent non à la proposition de Bruno Le Maire

Les chefs d'entreprise ne réclament pas une nouvelle diminution du temps d'appel

Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie, suggère de réduire le temps d'appel d'un employé licencié devant les tribunaux du travail de 12 à 2 mois. Comme on pouvait s'y attendre, cette idée provoque l'indignation des syndicats. Aucun groupe d'employeurs ne le désire non plus.

Par Leïla de Comarmond

Rééc

La refonte du Code du travail, une initiative lancée par Emmanuel Macron dès son entrée à l'Elysée, avait mis fin à une certaine discussion. Cependant, ce n'est pas le cas pour Bruno Le Maire. Une de ses suggestions pour stimuler l'emploi est de réduire à seulement deux mois la période pendant laquelle un employé peut contester son licenciement devant le tribunal. C'est ce que le ministre de l'Economie a mentionné dans une interview avec Le Parisien le dimanche, la veille d'une réunion du gouvernement à Matignon sur l'emploi.

Depuis le début du 21e siècle, la période autorisée pour contester la justification d'un licenciement a considérablement diminué. En 2008, une loi a réduit cette période de 30 à 5 ans. Ensuite, en 2013, une loi supplémentaire a réduit cette durée à 2 ans, grâce à l'intervention des syndicats. Cette action faisait partie d'un accord sur la « protection de l'emploi » conclu entre les employeurs et les syndicats CFDT, CFTC et CFE-CGC.

Diminution de durée déjà considérablement effectuée

Immédiatement après que Emmanuel Macron fut élu en 2017, le projet a été repris. Une réduction à six mois avait d'abord été envisagée, mais face à l'opposition syndicale, c'est finalement une durée d'un an qui a été décidée dans la réforme du Code du travail.

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Le ministre de l'Economie justifie sa suggestion de réduire à deux mois la durée de la prescription en notant que c'est le délai standard dans tous les autres pays développés. En Allemagne, par exemple, ce délai est encore plus court : seulement trois semaines. Cependant, une juriste prévient qu'il ne faut pas considérer cette mesure de manière isolée. Par exemple, en Allemagne, en cas de licenciement injustifié, l'employeur est tenu de garder ou de réembaucher l'employé alors qu'en France, dans la plupart des situations, l'employeur est plutôt tenu de payer des indemnités, désormais plafonnées.

"Promouvoir les employeurs malhonnêtes"

Peu importe, la suggestion suscite l'indignation des syndicats de travailleurs. "Ne pas donner aux employés le temps de se réadapter ne peut qu'avantager les employeurs malhonnêtes", critique Jean-François Foucard, responsable de l'emploi à la CFE-CGC. Selon Denis Gravouil, de la CGT, "la hausse du taux de chômage crée une panique au sein du gouvernement." "Deux mois, c'est trop peu de temps pour surmonter le choc initial, s'informer de ses droits et être en mesure de contester à temps," argumente-t-il.

Il est du ressort du ministre de l'Economie de gérer les affaires économiques… Les acteurs sociaux vont discuter de ce qui est bénéfique pour l'emploi et personne n'est convaincu que la période de contestation des licenciements va générer des emplois", estime Yvan Ricordeau, représentant de la CFDT.

Les associations d'employeurs ne sont pas intéressées

Critiquée par les syndicats, l'initiative de Bruno Le Maire ne reçoit pas non plus d'approbation de la part des employeurs. Malgré leur tendance à mettre en évidence les dangers de conflits, aucune des trois associations d'employeurs (Medef, CPME, U2P) ne souhaite une telle diminution des délais.

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On doit admettre que suite à l'instauration des ruptures conventionnelles en 2008 – visées par le gouvernement – les décrets de Macron de 2017 ont nettement allégé la contrainte judiciaire sur les employeurs, en limitant le montant des dommages et intérêts. Le volume de nouveaux dossiers aux prud'hommes a chuté de 44% entre 2015 et 2022.

Préoccupations préventives

"Ce n'est pas un thème qui a été abordé dans les cercles d'affaires", déclare simplement un de leurs porte-paroles qui, comme les autres, choisit de garder son identité secrète pour ne pas provoquer le ministre de l'Économie. "Ce n'est pas la préoccupation principale des dirigeants d'entreprise", ajoute un autre, qui s'inquiète de l'impact que de tels sondages pourraient avoir sur l'équilibre social alors qu'une importante négociation sur l'emploi avec les syndicats doit débuter.

"Le concept est clair : il s'agit d'offrir une plus grande exposition aux entreprises pour renforcer leur protection juridique. Cependant, il faut faire attention, malgré les bonnes intentions initiales, à ne pas engendrer des conséquences inattendues problématiques", avertit-on dans un autre syndicat patronal, soulignant le danger d'une éventuelle hausse des plaintes par mesure de précaution.

Comarmond Leïla

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