Jamais auparavant il n'y a eu autant de travailleurs rémunérés au SMIC en France. L'augmentation du SMIC le 1er janvier 2023 a directement profité à 17,3 % des employés du secteur privé, ce qui est un niveau record depuis au moins trois décennies. Cette augmentation significative du salaire minimum a conduit à une diminution sans précédent des salaires, comme le souligne le rapport annuel du groupe d'experts sur le SMIC publié ce jeudi.
Par Alain Ruello
L'inflation commence à diminuer, mais reste encore à un niveau élevé. En conséquence, le salaire minimum, ou SMIC, verra une augmentation notable le 1er janvier prochain, ce qui sera la huitième hausse en trois ans. La dernière augmentation a eu lieu le 1er mai. Le montant précis de cette augmentation sera connu à la mi-décembre, mais d'après le rapport annuel d'un groupe d'experts indépendants qui conseille le gouvernement, il devrait être de 1,7 %. Comme les années précédentes, aucune augmentation supplémentaire politique ne sera ajoutée à l'augmentation automatique.
Le taux horaire légal minimum augmenterait ainsi de 11,52 à 11,71 euros bruts (soit de 1.747,20 à 1.777 euros bruts par mois pour un travail à temps plein). Cela bénéficierait directement à un nombre sans précédent d'employés dans le secteur privé, à l'exception de l'agriculture. Lors de la précédente augmentation le 1er janvier, ils étaient 3,1 millions dans cette situation, d'après les données du ministère du Travail révélées par le rapport. Cela représente plus d'un employé sur six, soit exactement 17,3%. C'est 5,3 points de pourcentage de plus qu'en 2021. Et c'est même 1 point de plus que le précédent record de 2005.
"Jamais vu auparavant"
"Avec plus de 17%, c'est une situation inédite depuis le début des années 1990 et cela pourrait encore grimper", confirme le chef du panel d'experts, Gilbert Cette. Il insiste aussi sur les complications de management que cela engendre dans certaines firmes, en particulier les plus petites, lorsque un employé senior expérimenté est surpassé en termes de salaire par un nouveau recruté.
Si on arrive à un tel point, c'est ironiquement grâce à l'impact défensif des formules d'augmentation du salaire minimum légal, car elles équilibrent l'inflation. Cela met néanmoins en relief l'importance des bas salaires dans la structure des salaires en France.
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En réalité, chaque augmentation du salaire minimum horaire, surtout lorsque ces augmentations sont successives et ne sont pas limitées au 1er janvier, comme c'est le cas depuis 2021, entraîne une situation où certains salaires conventionnels minimums sont inférieurs. Les secteurs professionnels sont alors tenus de mettre à jour leurs échelles de salaires. Selon le dernier décompte, environ 40 d'entre eux sont toujours non conformes depuis le 1er mai, dont 11 sont particulièrement scrutés par le ministère du Travail.
Une hausse totale de 13,5% a été enregistrée pour le SMIC depuis son ajustement automatique qui a eu lieu le 1er janvier 2021, sans compter ce dernier.
Le problème est que même si les salaires les plus bas sont augmentés jusqu'au SMIC revalorisé, ceux qui sont ajustés ne progressent que lentement, en dépit des augmentations de salaire négociées au sein des entreprises. Cela entraîne une stagnation des salaires au niveau du minimum légal – un « aplatissement sans précédent » selon Gilbert Cette – ce qui explique pourquoi un nombre croissant de travailleurs sont touchés directement.
Forte présence féminine
L'augmentation significative du SMIC est un élément clé qui explique l'évolution du pourcentage de personnes qui en bénéficient. D'autres facteurs contributifs incluent le changement dans la distribution des salaires des employés en fonction de leur échelle salariale, la répartition des salaires par rapport aux salaires minimums sectoriels, ainsi que le timing et le contenu des négociations concernant ces salaires minimums sectoriels, comme le soulignent les experts dans leur étude.
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ENTRETIEN – Benoît Bazin – Jean-Hervé Lorenzi : « Un grand nombre d'employés demeurent au SMIC durant l'intégralité de leur vie professionnelle »
Sur les 3,1 millions de travailleurs touchés par l'augmentation du 1er janvier 2023, 57,3% étaient des femmes, bien qu'elles soient moins nombreuses que les hommes dans le secteur privé. Cela représente une augmentation de 2% par rapport à l'année précédente. Cette hausse est particulièrement notable dans les sociétés comptant 10 employés ou plus.
Travail à temps partiel
On observe une augmentation particulièrement marquée dans le secteur des services (+3 points), où près de 20% des employés sont touchés. Dans la construction (+2 points), le chiffre est de 11,1%, tandis que dans l'industrie (+1,5 point), il est de 8,4%.
La proportion de bénéficiaires est nettement plus importante chez les employés à temps partiel, avec 38,3 %, comparativement à 12,4 % pour ceux qui travaillent à plein temps. Cela s'explique par le fait que ces derniers sont souvent payés près du salaire minimum.
Ruello Alain
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