L’Impuissance de la France face à la Réduction de l’Utilisation des Pesticides : Analyse d’un Échec Collectif

Pourquoi la France n'arrive pas à diminuer l'emploi des pesticides

Un rapport parlementaire, publié récemment, déplore un "échec commun" et pointe du doigt l'incohérence de la politique publique en la matière. Il exprime l'espoir que les obstacles identifiés seront pris en compte dans le cadre du plan "Ecophyto 2030", actuellement en cours de discussion.

By Anne Feitz

Le plan "Ecophyto 2030" récemment mis en consultation auprès des acteurs concernés, réussira-t-il à renverser la situation ? Un rapport parlementaire sorti il y a peu de temps a reconnu l'échec des précédents plans "Ecophyto" visant à réduire l'utilisation de pesticides en France. Il met en évidence "l'inefficacité du gouvernement" sur ce sujet et critique le manque de cohérence des politiques appliquées durant les quinze dernières années.

"Ecophyto est semblable à une voiture qui circulerait sur une autoroute sans système de surveillance, avec un tableau de bord en panne. C'est comme une voiture sans conducteur, où la destination finale serait un point de discorde parmi ses occupants", selon ses créateurs.

Débâcle commune

L'initiative de lancer la commission d'enquête provient des députés socialistes. Ils ont conclu que les indices d'emploi des pesticides sont en général au même stade qu'en 2009. Le rapport souligne que les seules améliorations notées sont associées à l'élimination des composants les plus nocifs. Cependant, ces éliminations ne sont « pas attribuables à la dynamique Ecophyto », précise-t-il.

Le premier programme Ecophyto, initié en 2008, avait pour ambition de diminuer de moitié l'usage de pesticides en une décennie, un objectif qui a ensuite été repoussé à 2025. Cependant, la France est encore loin d'atteindre ce but. D'après les données les plus récentes du ministère de l'Agriculture, le "nombre de doses unités" (Nodu), qui évalue l'emploi de produits phytosanitaires en France, s'est élevé à 89,4 millions d'hectares en 2022, contre 82 millions en 2009.

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La commission d'enquête qualifie la situation d'"échec de groupe", attribué à une multitude d'éléments. Elle note un "manque de confiance" vis-à-vis de la compétence scientifique et souligne le manque de financement des agences de santé qui fournissent les autorisations (comme l'Anses en France ou l'Efsa en Europe).

Bien qu'elle reconnaisse et applaudisse les efforts de recherche publique réalisés par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), l'Anses et d'autres instituts techniques, qu'elle considère comme une « grande réalisation de la dernière décennie », la commission regrette toutefois un manque d'harmonisation entre ces entités et une insuffisance dans la focalisation des programmes de recherche.

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Elle déplore finalement l'insuccès de la coordination interministérielle dans la gestion des fonds destinés aux programmes Ecophyto, mettant en évidence le manque d'initiative de la part de Matignon et l'absence de direction opérationnelle de cette politique. Elle mentionne, par exemple, le réseau de fermes Dephy, spécifiquement établi comme un laboratoire pour une agriculture sans pesticides : "Il semble inexplicable que les autorités aient décidé de réduire d'un tiers leurs ressources", propose-t-elle.

Il ne faut pas négliger les obstacles du marché : les agriculteurs de France subissent une compétition injuste, puisque nos partenaires européens ne sont pas contraints par les mêmes normes sanitaires, insiste le comité d'investigation. Le refus du Parlement européen, il y a un mois, d'un document crucial sur ce thème ne facilitera pas la situation.

Défis pour la santé humaine

Insistant sur la nécessité d'éviter ces pièges dans le nouveau programme « Ecophyto 2030 », le rapport met également en lumière les défis que cela représente pour l'environnement et la santé humaine. La contamination par les produits chimiques est le troisième élément majeur contribuant à la réduction de la diversité de la faune et de la flore.

Des recherches ont suggéré des associations entre certaines pathologies telles que la maladie de Parkinson, divers troubles cognitifs, la maladie d'Alzheimer, le lymphome non hodgkinien, le cancer de la prostate et chez les enfants, certaines formes de leucémie, de tumeurs du système nerveux central ainsi que des problèmes de développement neuropsychologique et moteur, selon le rapport. Il est important de noter que les agriculteurs sont les plus touchés par ces effets néfastes.

En conclusion, les écrivains mettent l'accent sur un problème qui devient de plus en plus délicat en raison du changement climatique : la pollution des zones de prélèvement d'eau – une ressource en voie de diminution. De 1980 à 2019, environ 4.300 de ces zones ont dû être clôturées en raison de la contamination, principalement par des nitrates et des pesticides, engendrant un coût de traitement pour rendre l'eau potable estimé entre 500 millions et 1 milliard d'euros chaque année.

Anne Feitz

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