Le Recours au 49.3 par Elisabeth Borne: Utilisations, Conséquences et Réactions de l’Opposition

Lorsque Elisabeth Borne active l'article 49.3

Par Valérie Mazuir

Un aperçu des applications de l'article 49.3 de la Constitution par Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale et des motions de censure proposées par les partis d'opposition.

La section 49, paragraphe 3 de la Constitution autorise l'approbation d'une proposition de loi sans la nécessité d'un vote, à condition qu'aucune mesure de désapprobation ne soit votée contre le gouvernement par l'Assemblée nationale.

Depuis l'amendement à la constitution en 2008, l'article 49.3 ne peut être appliqué qu'à un projet de loi de finances et un seul autre type de document durant la session législative. Cependant, une fois que le Cabinet ministériel a donné son feu vert, le Chef du gouvernement a la possibilité de l'invoquer à chaque étape de lecture du même projet devant la Chambre des députés.

Les propositions de réprobation sont discutées au minimum deux jours après leur présentation et, si elles obtiennent l'aval de plus de la moitié des représentants, l'équipe gouvernementale est contrainte de quitter ses fonctions.

Le régime d'Elisabeth Borne ne détient en effet qu'une majorité restreinte à l'Assemblée nationale depuis les élections législatives de juin 2021. Cependant, tant que les membres du parti Les Républicains ne se joindront pas aux autres partis d'opposition, il n'y aura pas suffisamment de votes pour renverser le gouvernement.

Pour obtenir les 289 votes nécessaires, tous les groupes d'opposition – les 151 représentants des quatre éléments de la Nupes, les 88 du Rassemblement national (RN) et les 62 LR – devraient voter de manière unanime pour une motion de censure.

Pour en savoir plus :

PEDAGO – Trois interrogations autour de l'article 49.3

EXAMEN – 49.3 : la bataille de communication insurmontable

EXAMEN – 49.3 : l'instrument transformé en moyen d'attaque

Pour plus d'informations :

DOSSIER – Assemblée nationale : le groupe Macron sans majorité incontestable

INFORMATIONS – Informations essentielles sur l'administration Borne

Pompidou et Rocard

De nombreux Premiers ministres ont fait usage de l'article 49.3 de la Constitution depuis Michel Rocard, qui détient le record d'utilisation (28 fois).

Depuis le commencement de la Ve République, environ une centaine de motions de censure ont été soumises. Seulement une a été approuvée, en 1962, entraînant la chute du gouvernement de Georges Pompidou.

Un aperçu des quatorze recours à l'article 49.3 initiés par Elisabeth Borne et des conséquences des propositions soumises par les partis d'opposition.

· Projet de Loi de Finances 2024 et Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2024

Elisabeth Borne, le 17 octobre 2023, à la Chambre

Le 25 octobre 2023, Elisabeth Borne a pris la responsabilité, au nom du gouvernement, de la section des revenus du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. "Malgré nos tentatives de compromis, encore une fois, la pratique habituelle des groupes d'opposition de rejeter tout budget, quel qu'il soit, a pris le dessus", a affirmé la Première ministre dans une brève déclaration à l'Assemblée nationale pour expliquer cette nouvelle initiative.

Le parti LFI a immédiatement présenté une motion de censure, soutenue par des signatures de législateurs communistes et écologistes. Le parti RN envisage aussi de déposer sa propre motion.

Elisabeth Borne a eu recours à cette mesure constitutionnelle contestée pour la quatorzième fois depuis qu'elle a pris ses fonctions à Matignon. Au cours de cet automne 2023, on s'attend à ce qu'elle l'utilise environ dix fois sur l'ensemble des documents financiers.

Voir aussi :

RAPPORT – Budget 2024 : les informations essentielles

DOCUMENT – Le débat sur le budget 2024 au sein de l'Assemblée législ

La semaine précédente, le 18 octobre, elle avait mis en jeu la crédibilité du gouvernement concernant la section des recettes du plan de budget pour 2024, affirmant que le pays nécessitait ce "document crucial". En réponse, le parti LFI avait présenté une motion de censure, qui a obtenu 219 votes. Le RN avait également présenté sa propre motion, qui a reçu 89 votes.

L'année précédente, la chef du gouvernement avait permis que les discussions aient lieu pendant une semaine au parlement. Cependant, cette fois, pour le projet de loi de finances 2014, elle les a stoppées avant même l'étude de l'article introductif, qui consigne notamment dans la loi la prévision du déficit public. Celui-ci avait été refusé en comité, tout comme l'intégralité de cette partie concernant les recettes. Et pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale, cela s'est produit dès le deuxième jour de l'examen du texte.

Aussi à lire :

ANALYSE – Taxes, économies : les modifications dans le budget 2024 suite à l'application de l'article 49.3

· Planification budgétaire publique 2023-2027

Le 26 septembre 2023 à l'Assemblée, pendant la session spéciale. Jacques Witt/SIPA

C'est la douzième fois ! Le 27 septembre 2023, Elisabeth Borne a fait usage de l'article 49.3 pour le projet de loi concernant la programmation des finances publiques. Ce projet de loi, qui avait été refusé lors de sa première présentation à l'Assemblée, est d'une importance capitale pour le gouvernement. Selon ses dires, il permettrait à la France de recevoir un montant de 17,8 milliards d'euros de la part de Bruxelles pour la période 2023-2024.

La Nupes a immédiatement déposé une motion de censure qui a obtenu 193 votes sur les 289 nécessaires pour renverser le gouvernement. Comme prévu, cela s'est produit sans l'appui des LR.

Lors de l'examen de ce texte lors d'une session spéciale, le gouvernement aura toujours la possibilité d'utiliser l'article 49.3 pour la session régulière qui a commencé le 2 octobre 2023.

Consultez également :

Budget : l'administration et la majorité sont confrontées à une autre série de 49.3.

· Modification du système de pensions :

Le 16 mars 2023, les représentants de l'aile gauche étaient présents lors de la proclamation de l'activation de l'article 49.3 concernant la révision du système de pensions. Jacques Witt/SIPA

Au milieu d'un désordre indescriptible, accentué par les refrains incessants de la « Marseillaise » entonnés par les factions de gauche, Elisabeth Borne a déclaré le 16 mars 2023, après deux mois de lutte parlementaire et de contestation publique, qu'elle mettait en jeu la crédibilité de son gouvernement sur le projet de réforme des retraites, vivement contesté.

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RÉCIT – Pensions : les événements finaux qui ont mené à l'application du 49.3

ANALYSE – Pensions : Elisabeth Borne échoue avec l'application de l'article 49.3.

L'ÉVÉNEMENT POLITIQUE DU JOUR – Pensions : Emmanuel Macron peine à trouver une majorité

Dans un climat électrisé à l'Assemblée Nationale et un secteur du Palais-Bourbon sécurisé par la police, deux motions de censure ont été rejetées trois jours plus tard. La motion présentée par le groupe centriste LIOT, soutenue par la Nupes, a rassemblé 278 votes, manquant de justesse les 287 nécessaires pour renverser le gouvernement avec un déficit de seulement 9 votes. Malgré les directives d'Eric Ciotti, le président du parti Les Républicains, 19 députés de ce parti ont voté pour cette motion.

Aussi à lire :

ANALYSE – Pensions : la proposition de censure écartée de peu.

· Budget 2023 et Sécurité Sociale 2023

Première utilisation de l'article 49.3 : Elisabeth Borne, le 19 octobre 2022. Photo par NICOLAS MESSYASZ/SIPA.

Au cours des discussions législatives à l'automne 2022, le gouvernement a activé à dix reprises en l'espace de deux mois l'article 49.3 de la Constitution. Cela a été fait dans le but d'adopter sans scrutin les budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale. Un tel rythme n'avait pas été observé depuis 1989, lorsque Michel Rocard n'avait pas de majorité absolue à l'Assemblée nationale, tout comme Elisabeth Borne depuis les élections législatives de juin 2022.

En somme, 12 propositions de réprobation ont été soumises immédiatement, ce qui est plus que ce qui a été présenté "durant les mandats de Michel Rocard, Edith Cresson et Pierre Bérégovoy combinés", a noté la chef du gouvernement, se questionnant sur les motivations d'"une telle persistance à vouloir renverser le gouvernement". Toutes ont été refusées.

Consultez également :

Motion de censure : le Rassemblement National se rallie aux voix de la gauche.

Valérie Mazuir

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