Le déficit public français s’envole à 5,5% du PIB en 2023, dépassant largement les prévisions

L'année dernière, le déficit public a dévié pour atteindre 5,5 % du PIB. D'après les informations divulguées mardi matin par l'Insee, le déficit a atteint 5,5 % du PIB en 2023. Cette chute est impressionnante comparée aux prévisions du gouvernement, qui espérait maintenir le déficit à -4,9 % il y a peu. La dette publique a également dépassé les prévisions, s'élevant à 110,6 % du PIB.

Par Renaud Honoré

Le gouvernement avait peur depuis plusieurs semaines que ce nombre soit confirmé. L'année dernière, le déficit public a subi une augmentation sans précédent, atteignant 5,5% du PIB, d'après les informations dévoilées ce mardi matin par l'Insee, ce qui représente un total de 154 milliards d'euros.

La déclaration risque de provoquer de vives controverses politiques. En effet, ce faux pas n'était absolument pas prévu par le ministère des Finances. Le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, avait défini un but en ce qui concerne les finances publiques, qui était déjà plutôt modeste, avec un déficit public prévu à -4,9 % en 2023 après -4,8 % en 2022. Ce but avait été réitéré en décembre dernier.

Hélas ! Le ralentissement de l'économie a brisé les espoirs du gouvernement, qui redoutait depuis peu une chute jusqu'à -5,6 %. L'Insee a aussi signalé que la dette publique a grimpé à 110,6 %, alors qu'on prévoyait initialement qu'elle serait de 109,7 %.

Le péril des organismes d'évaluation financière

Bruno Le Maire a déclaré ce mardi sur RTL que "nous n'avons pas atteint nos cibles, nous devrons en assumer les conséquences". Il a attribué cet échec à des "recettes fiscales inférieures à ce qui était anticipé", entraînant une perte estimée à 21 milliards d'euros. "Ce que nous avons peut-être négligé, c'est que lorsque l'inflation diminue plus rapidement que prévu, cela entraîne une baisse des revenus, comme la TVA par exemple", a détaillé le ministre de l'Economie. La crise du secteur immobilier a également fortement affecté les montants perçus au titre des droits de mutation, avec une baisse de 4,8 milliards d'euros selon l'Insee, soit une diminution de 22,2 %.

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Cette déclaration tombe certainement au pire moment pour l'administration. Dans les deux mois à venir, les trois principales agences d'évaluation doivent une fois de plus donner leur opinion sur la viabilité de la dette française, et une réduction de la note serait une déception pour la majorité à l'approche des élections européennes. L'impact de la France en Europe pourrait aussi être affecté.

Le fait de rendre officielle cette détérioration des finances publiques risque de donner une série de complications dans les prochaines semaines pour les deux responsables de Bercy, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave, le ministre en charge des Finances publiques. Ils avaient pris l'engagement de réduire le déficit à 4,4 % du PIB d'ici fin 2024, et avaient même dévoilé un plan d'économies de 10 milliards d'euros pour y arriver. Cependant, le dilemme budgétaire semble maintenant irréalisable pour cette année, compte tenu de la dérive des comptes 2023.

"Une prise de conscience collective"

Emmanuel Macron a déjà préparé l'esprit de tous pour une refonte des objectifs financiers publics immédiats. Vendredi dernier, après le sommet européen, il a clairement indiqué son intention de "maintenir notre équilibre budgétaire avec deux piliers : la réduction du ratio de la dette publique en 2026, et le retour du déficit à moins de 3 % du PIB en 2027". En d'autres termes, tout le parcours pour y parvenir pourrait être réévalué d'ici là.

Dans ce contexte sombre, le gouvernement tente néanmoins de redresser les finances publiques. Sur RTL, Bruno Le Maire a déclaré que la France se trouvait à un tournant décisif, appelant à une prise de conscience collective. Il a souligné que les économies ne devraient pas provenir uniquement de l'État, visant les dépenses sociales et les collectivités locales. Le ministre de l'Économie a annoncé qu'il allait envoyer une lettre à tous les opérateurs de l'État – citant le CNC ou Business France – pour leur donner un délai d'un mois pour proposer des économies sur leurs budgets. En revanche, il a exclu l'idée de jouer avec les impôts, offrant seulement la possibilité de renforcer la taxation des producteurs d'électricité.

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Sur le front politique, la confiance budgétaire du gouvernement est sérieusement mise à mal par ces données financières publiques. Avant même leur confirmation officielle, Marine Le Pen – qui s'affiche désormais comme une ardente défenseure de la rigueur budgétaire – a déclaré la semaine dernière que jamais les chiffres n'ont été aussi désastreux en termes de déficit public, tout en critiquant fortement l'inaptitude du gouvernement actuel en matière financière.

Remarques négatives de la droite

Ce mardi, Jean-François Husson, le rapporteur général du budget au Sénat et membre du parti Les Républicains, a sévèrement critiqué Bruno Le Maire, le qualifiant de "discrédité et décrédibilisé". "Un déficit de 5,5% et une dette publique de 110,6% : la dernière réalisation du soi-disant Mozart de la finance ressemble à un chant de cygne. Monsieur Macron doit rendre compte de ce bilan catastrophique !", a ajouté Eric Ciotti, le président du parti Les Républicains, lors de son intervention sur X.

Sur TF1, le communiste Fabien Roussel a exprimé son opinion selon laquelle Bruno Le Maire et Emmanuel Macron sont des "déloyaux" et des "fraudeurs en tenue de bureau". Il les accuse notamment d'avoir trompé le public en prétendant que la réforme des retraites aiderait à réduire les déficits.

Eric Coquerel, qui dirige le comité financier de l'Assemblée, a exprimé sur X que Bruno Le Maire a minimisé l'ampleur du déficit à cause de sa surévaluation constante de la croissance économique.

Il y a également une inquiétude du côté de la gauche que le gouvernement puisse réduire les subventions destinées aux collectivités locales. "Suite à une énorme faute qui dénote un manque de compétence, Bruno Le Maire ne va sûrement pas piocher dans les fonds des collectivités!", a protesté sur X le maire socialiste du Mans, Stéphane Le Foll.

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Honoré Renaud

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