La vision budgétaire d’Emmanuel Macron critiquée par Pierre Moscovici : entre croissance optimiste et redressement des comptes publics

La politique budgétaire d'Emmanuel Macron suscite des interrogations chez Pierre Moscovici. Le président principal de la Cour des comptes a exhorté le gouvernement ce jeudi à "révéler la réalité des coûts" et à revoir l'estimation de croissance pour 2024, qu'il considère comme trop ambitieuse. Lors de son point presse mardi, Emmanuel Macron avait relégué la remise en ordre des finances publiques au second rang, mettant l'accent sur la reprise de la croissance économique.

Par Renaud Honoré

Parmi les nombreux « renforcements » mentionnés par Emmanuel Macron, la question des finances publiques a été largement ignorée. Cette omission semble préoccuper Pierre Moscovici, surtout quand une loi de finances pour l'année 2025, d'une importance capitale et sans précédent, est en préparation. Le président en chef de la Cour des comptes, lors de ses voeux adressés aux médias ce jeudi, a même réprimandé le gouvernement, l'incitant à rectifier sans délai la prévision de croissance « exagérément optimiste » sur laquelle il a basé son budget.

Il était clair que l'ancien représentant européen souhaitait remettre l'équilibre des finances publiques au centre des discussions politiques. Cette question semblait être mise de côté avec l'arrivée du nouveau duo dirigeant. Gabriel Attal, fraîchement arrivé à Matignon, a commencé par louer, le week-end dernier, les 32 milliards d'euros qui seront injectés dans le système hospitalier au cours des prochaines années – un geste qui ne semble pas favoriser une politique de restriction budgétaire.

Lutte pour l'expansion

Emmanuel Macron, qui n'a jamais été particulièrement préoccupé par la diminution du déficit public, a rapidement écarté le sujet lors de sa conférence de presse mardi. Et lorsqu'il l'a abordé, il l'a fait d'une manière qui a probablement causé un certain malaise parmi les défenseurs de la rigueur budgétaire.

"Le président souligne que l'enjeu majeur du débat budgétaire est la stimulation de l'activité économique et la création d'emplois et de richesse. En termes simples, il continue de parier principalement sur la croissance économique pour améliorer la situation financière. Les économies sont reléguées en arrière-plan, Emmanuel Macron demandant par ailleurs au gouvernement de "mettre en place un examen ambitieux des dépenses".

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Un membre de la majorité semble mal à l'aise en disant : « Il est évident qu'il n'a pas suffisamment préparé les gens à prendre des décisions compliquées ». Le gouvernement a déjà révélé son intention de réaliser au moins 12 milliards d'euros d'économies pour le prochain projet de loi de finances 2025, ce qui semble être un défi politique très risqué.

« Soyons justes, il a quand même fièrement soutenu les mesures concernant les frais médicaux et le coût de l'électricité », argumente une personne au sein du gouvernement. Cependant, c'est apparemment au ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, que revient la tâche difficile de gérer les mauvaises nouvelles.

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Pierre Moscovici souhaiterait que les choses se passent le plus rapidement possible. Le chef de la Cour des comptes n'est pas vraiment convaincu par la politique budgétaire mise en avant par le président. Il a fait remarquer que la croissance économique peut aider à améliorer la situation financière, mais ce ne peut être la seule solution. Il ne pense pas que nous nous dirigeons vers une nouvelle période de forte croissance économique et a averti qu'il ne faut pas espérer des miracles.

"Clarifier les prix réels"

Cette situation est déjà présente cette année. Le gouvernement a fondé son budget 2024 sur une projection de croissance de 1,4 %. "C'est un chiffre élevé", estime l'ex-leader socialiste, se référant à un accord général parmi les économistes qui suggère plutôt une croissance de +0,8 %. "Si nous avions une croissance de +0,8 %, nous aurions un déficit supplémentaire de 0,3 point de PIB, soit -4,7 % du PIB au lieu des -4,4 % prévus par le gouvernement", d'après le président en chef de la Cour des comptes.

"La vérité des prix doit être établie dans ce domaine", a-t-il déclaré avec force, en ajoutant que "le gouvernement devrait envisager d'ajuster cette prévision de croissance en temps opportun". Son ton laissait entendre que le délai qu'il envisage est plutôt imminent.

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L'idée d'une réduction fiscale de 2 milliards d'euros pour la classe moyenne à partir de 2025 – comme l'a mentionné le président mardi – suscite une réaction plutôt tiède de la Cour des comptes. "Si cette mesure est validée, je comprends qu'elle devra être financée, principalement en réalisant davantage d'économies qui viendront s'ajouter aux 12 milliards déjà prévus", a déclaré Pierre Moscovici. Le président de la Cour a offert son aide au gouvernement pour examiner les dépenses afin d'identifier ces économies potentielles.

L'objectif principal est de trouver rapidement des solutions tangibles à ce problème, sachant que l'agence de notation S&P va réexaminer la dette française vers la fin du printemps. "Si par malheur, notre note était réduite juste avant les élections européennes, cela serait un sérieux revers face au RN", exprime avec préoccupation un membre de la majorité.

Honoré Renaud

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