La mission d’évaluation des fraudes fiscales, sociales et douanières : un enjeu majeur pour le gouvernement

L'administration envisage d'évaluer l'étendue des escroqueries fiscales, sociales et douanières. Un tout nouveau comité d'évaluation des fraudes s'est rassemblé pour la première fois à Bercy ce mardi. Son objectif est d'essayer de quantifier plus précisément ce sujet. Un premier bilan concernant le coût des fraudes est prévu pour être publié avant l'été.

Par l'auteur Sébastien Dumoulin

L'escroquerie est un sujet de préoccupation à la fois pour les conservateurs et les progressistes. Certains critiquent l'évitement de l'impôt, d'autres les fraudes aux avantages sociaux. Tout le monde déplore l'impact négatif sur l'acceptation de l'impôt et sur l'unité nationale. Chacun souligne la perte de revenus pour les finances publiques.

Cependant, l'ampleur véritable de la situation reste inconnue. "Il y a encore une incertitude : l'autorité fiscale arrive-t-elle à recouvrer 10 %, 20 % ou 50 % des sommes dûes frauduleusement ?" interrogeait un compte-rendu d'information du Sénat sur cette question déjà l'année précédente.

En réponse à cela, le gouvernement a inauguré ce mardi le Comité d'évaluation des fraudes. Comptant une trentaine de membres, il est censé se rassembler trimestriellement et, d'ici à l'été, produire une première estimation des montants concernés. Thomas Cazenave, le ministre chargé des Comptes publics, l'admet : « Nous devons mieux comprendre la véritable ampleur de la fraude ».

Le nouveau comité d'évaluation est composé des chefs des principales entités concernées (tels que DGFiP, Douanes, caisses de Sécurité sociale, Pôle emploi, Urssaf, entre autres), mais ce n'est pas tout. Quatre membres du parlement, y compris un sénateur du parti socialiste et une députée de LFI, en sont également membres, de même que deux économistes – Gabriel Zucman et Emmanuelle Taugourdeau – des érudits spécialisés en droit fiscal, et plusieurs experts tels que le dirigeant de Transparency International ou l'ex-chef de la politique fiscale de l'OCDE, Pascal Saint-Amans.

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La Cour des comptes a effectué des études concernant la fraude liée aux cotisations et aux prestations sociales, avec des pertes estimées à environ 8 milliards dans chaque cas. Thomas Cazenave a également mentionné une estimation de la fraude à la TVA, qui tourne autour de 20 milliards, lors d'une discussion avec la DGFiP. Cependant, ces chiffres ne représentent qu'une portion de l'ensemble de la fraude existante. On note des lacunes dans nos connaissances. Le ministre a souligné que nous manquons de données sur certains aspects de la fraude et qu'il est nécessaire de combler ces lacunes.

Vérification aléatoire

Concernant les questions fiscales, le comité de travail a convenu de se concentrer d'abord sur les fraudes liées à l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. En ce qui concerne les douanes, une attention particulière sera portée sur la fraude tabagique. Enfin, dans le domaine social, le nouveau conseil d'évaluation se concentrera spécifiquement sur les fraudes à l'Assurance Maladie.

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Pour obtenir une vue d'ensemble la plus complète possible, les autorités ont décidé d'intégrer des systèmes de vérification aléatoire dans tous leurs réseaux. "Il a été expressément mentionné que c'était la seule technique statistiquement viable pour quantifier la fraude, taxe par taxe, et identifier des éléments qui échappent à la surveillance. C'est une suggestion que j'avais formulée dans mon rapport sur l'évasion fiscale et qui est soutenue par plusieurs ONG", se réjouit la députée LFI Charlotte Leduc.

La fraude est intrinsèquement difficile à détecter. Lorsque de nouvelles mesures – comme la levée du secret bancaire – offrent une occasion d'éclairer une partie de ce problème, il est essentiel d'en apprendre quelque chose, souligne Pascal Saint-Amans. L'ancien critique des paradis fiscaux pense très bien du travail approfondi effectué par les services publics français et des nouvelles ressources attribuées aux organismes de surveillance. "Il manquait un coordinateur. Cela pourrait être le rôle du Conseil d'évaluation", suggère-t-il. Ce travail devrait aider à mieux allouer les ressources et à ajuster les stratégies de lutte contre la fraude.

Le gouvernement a récupéré environ dix milliards

En l'absence d'une évaluation fiable de la fraude, le gouvernement dispose néanmoins d'un chiffre : le montant récupéré par l'administration fiscale suite à ses vérifications. Ce montant s'élevait à environ 11 milliards d'euros en 2021. C'est à la fois une somme significative pour le budget de l'Etat, mais également faible car cela ne couvre que la moitié de la fraude présumée liée à la TVA seulement…

L'administration n'a pas l'intention d'attendre les premiers résultats du nouveau Conseil d'évaluation avant d'agir. Dans le projet de budget pour 2024, une dizaine d'actions ont été prévues pour intensifier la lutte contre la fraude. Des moyens d'essai sont prolongés ou rendus permanents, tels que la collecte d'informations sur les médias sociaux ou les investigations en ligne sous un faux nom. Les lacunes juridiques exploitées par les fraudeurs de la TVA sont réparées. Les responsabilités des entreprises, par exemple en ce qui concerne la documentation de leurs stratégies de prix de transfert, sont renforcées et les pénalités sont plus sévères.

Pour l'instant, l'administration ne veut pas donner un but quantitatif à sa stratégie contre la fraude. "C'est extrêmement complexe si nous n'avons pas une compréhension plus approfondie et plus précise de la situation réelle", explique Thomas Cazenave. D'où l'importance, en parallèle du renforcement de nos outils juridiques et de nos ressources, de réaliser cette évaluation.

Sebastian Dumoulin

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