La Cour des comptes critique l’Etat pour sa gestion insatisfaisante des 35 heures

La Cour des comptes déplore que l’Etat ne soit pas un modèle en matière de 35 heures de travail

Selon un premier examen de la loi de modernisation de la fonction publique, qui est entrée en vigueur en août 2019, réalisé par la Cour des comptes, l’Etat n’a pas respecté l’obligation d’assurer un minimum de 1.607 heures de travail effectif par an, sauf exceptions spécifiques. La Cour considère que son application est “incomplète et insatisfaisante”.

Par Leïla de Comarmond

Texte

Dans le cadre de la réforme de la fonction publique adoptée en août 2019, un certain nombre de dispositions ont été mises en place. L’une d’elles concerne l’évaluation des nombreux régimes de temps de travail. La loi stipule que la durée minimale de travail annuelle doit être de 1 607 heures, sauf exceptions spécifiques. Cela correspond à une semaine de travail de 35 heures sur une année.

Les textes ont établi le principe, mais la “rénovation nécessaire” est toujours en attente, déplore la Cour des comptes dans un bilan intermédiaire de cette réforme, publié ce mercredi. Sa réalisation est “incomplète et décevante”, a souligné le président principal de l’organisme financier, Pierre Moscovici, lors de la présentation du rapport.

“La réorganisation tant espérée”

Pour les autorités locales, la date butoir est supposée être fixée : le 1er janvier 2022 pour les municipalités et le 1er janvier 2023 pour les départements et les régions. Cela a d’ailleurs entraîné quelques confrontations juridiques de mairies réfractaires. Cela est allé jusqu’à la soumission d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, sous prétexte de violation du principe de libre administration des autorités locales. Cependant, cela n’a pas abouti car les Sages ont déclaré la loi conforme.

Le rapport indique que l’allongement de la durée du travail est en cours. Pour parvenir à cette conclusion, il se base sur des informations fournies par le Ministère de l’Intérieur. Cependant, ces données ne sont pas complètes et doivent donc être interprétées avec prudence. Elles révèlent que sur 14 500 communes ou intercommunalités, seulement 3% ont pris des résolutions concernant ce sujet. De plus, parmi celles-ci, 90% n’ont suscité “aucune remarque”.

Les permissions d’absence spécifiques visées

Cependant, l’institution basée rue Cambon estime que des “incertitudes” demeurent, “dissimulant des comportements non-conformes”, reproche la Cour des comptes. Elle pointe surtout les permissions d’absence spécifiques (ASA), ces jours de repos octroyés pour raisons familiales, qui demeurent un enchevêtrement complexe.

D’après les informations les plus récentes de l’OCDE qui évalue le temps de travail des employés du gouvernement central de 10 nations, seul le temps de travail en Finlande est plus court que celui en France.

Les collectivités ne sont pas les seules responsables de cette situation, l’Etat y contribue également en n’ayant toujours pas émis le décret déterminant les modalités d’attribution. “Malgré le rappel des règles en vigueur […] certains employeurs locaux exploitent l’option des ASA pour réduire effectivement le temps de travail légal “, déplorent les juges financiers.

Ce n’est pas la seule réprimande de la Cour à son égard. “L’Etat est le pilier de notre République, il doit montrer la voie”, a souligné Pierre Moscovici. Cependant, en ce qui concerne les heures de travail, une “situation stagnante nuisible” est dominante.

Critique sévère envers le gouvernement

Malgré que la loi de août 2019 ne demandait pas grand chose, elle demandait simplement la production d’un rapport sur les mesures prises par ses services pour veiller au respect des 1.607 heures de travail effectif, un an après son adoption. Certes, la pandémie de Covid-19 est survenue, mais quatre ans se sont écoulés et aucun rapport n’a été rendu public. L’administration explique ce retard par la complexité du travail, accentuée par l’absence d’un système unifié de suivi du temps de travail au niveau de l’État.

La Cour des comptes n’a pas été convaincue par l’argument présenté. Elle souligne qu’en 2019, l’Inspection générale des finances a publié un rapport sur la question. Après avoir examiné les ministères de l’Économie, de l’Intérieur et de l’Enseignement supérieur, le rapport présente une évaluation négative : « L’absence de création d’un nouveau bilan […] et l’incapacité de fournir un exemple concret de révision des exceptions par les administrations interrogées lors de l’enquête de la Cour démontrent une situation stagnante. » Elle insiste pour que la loi soit mise en œuvre « sans plus attendre de la même façon » dans les administrations publiques territoriales et de l’État.

Consultez également :

DOSSIER – Les dispositions envisagées par la loi de réforme de la fonction publique.

Service public : la question du temps de travail s’intègre à la réforme.

Comarmond Leïla

Quels sont les moyens pour s’ajuster dans un contexte complexe ?

Nos Contenus Vidéo

WeWork : Adam Neumann, le co-créateur, déclare que la société est “plus que jamais en phase avec le marché”

Compétition injuste : Pourquoi des transporteurs de Pologne bloquent-ils la frontière avec l’Ukraine ?

Conflit Israël Hamas : Vidéos des attaques sur un camp de réfugiés dans la bande de Gaza

Le “métro de Gaza” : Le réseau souterrain complexe du Hamas

Les plus consultés

L’impulsion du marché du travail se grippe en France

SONDAGE EXCLUSIF – Une majorité de Français sont en faveur d’une augmentation des honoraires des médecins

CPF : Le gouvernement promet de plafonner le reste à charge

À la Une

Conflit Israël-Hamas : “Une pause humanitaire est nécessaire rapidement”, déclare Emmanuel Macron

Fiscalité : Apple subit un revers face à Bruxelles

Ces 183 zones sélectionnées par le gouvernement pour réussir sa stratégie industrielle

Social

Loi sur l’immigration : cinq points à comprendre sur l’aide médicale d’État

35 heures : la Cour des comptes déplore que l’État ne donne pas le bon exemple

Prime d’activité : le gouvernement modifie son plan pour éviter une réduction des allocations

Pratique 

P

L’Equipe

Toutes les prérogatives sont protégées – Les Echos 2023