Franchises médicales doublées à 1 euro : explications et réactions sur cette décision présidentielle

Santé : Explication du doublement des frais médicaux en cinq points

Emmanuel Macron a soutenu une augmentation des frais médicaux, fixée à 1 euro. Pour le chef de l'état, cette augmentation des frais restants à la charge de l'individu est une « bonne initiative » pour responsabiliser les bénéficiaires de l'assurance sociale. Voici une explication et des commentaires sur cette question.

Par Tifenn Clinkemaillié

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Suite à des mois de désordre au sein du gouvernement, c'est le président en personne qui a pris une décision. Emmanuel Macron a affirmé que les franchises médicales allaient être doublées, lors de sa grande conférence de presse qui a eu lieu mardi soir. "Je ne pense pas que nous commettons un acte épouvantable", a expliqué le leader de la majorité.

Qu'est-ce qui est précisément discuté ? Comment le secteur médical a-t-il réagi ? Voici quelques éclaircissements.

1. Qu'est-ce que la franchise médicale ?

La franchise médicale, introduite en 2008 pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, est une somme fixe que le patient doit payer, indépendamment de ses remboursements. Depuis son introduction, elle n'a subi aucune modification.

Jusqu'à présent, le tarif est fixé à 50 centimes par boîte de médicaments et par intervention paramédicale (physiothérapie, soins infirmiers, etc.), ou à deux euros par déplacement sanitaire. Toutefois, les individus mineurs, les femmes enceintes, ceux qui bénéficient de la complémentaire santé solidaire ou de l'aide médicale de l'Etat (AME) en sont dispensés.

Pour ceux qui sont tenus de la régler, le coût du reste à payer est néanmoins limité à 50 euros annuellement pour l'ensemble des services ou interventions concernées. Passé ce montant, tout est intégralement remboursé.

2. Qu'est-ce que le gouvernement propose ?

Le gouvernement projette de multiplier par deux la franchise, la faisant passer à 1 euro par boîte de médicament ou acte. En termes simples, cela signifie que les citoyens français devront débourser plus d'argent pour leurs médicaments. "L'augmentation de 50 centimes à 1 euro par boîte de médicament ne me semble pas excessive, surtout lorsque je compare cela aux coûts de nombreux autres aspects de la vie quotidienne qui sont moins essentiels que les médicaments", a affirmé Emmanuel Macron mardi. Cette modification doit encore faire l'objet d'une annonce officielle.

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Il est hors de question cependant de modifier la limite actuelle. Mardi soir, le président a déclaré qu'il serait nécessaire de continuer à assurer la protection des personnes souffrant de maladies de longue durée avec une limite de "50 euros par an".

Une restriction déjà proposée en septembre par Bruno Le Maire. "Les individus qui doivent consommer une grande quantité de médicaments, par obligation, parce qu'ils sont atteints de maladies chroniques, parce qu'ils sont touchés par le cancer, la maladie d'Alzheimer ou d'autres maladies sérieuses, ne seront pas défavorisés", déclarait le ministre de l'économie.

3. Qu'est-ce qui motive une telle résolution ?

L'administration vise directement les coûts de santé. Cette initiative pourrait entraîner des économies : environ 800 millions d'euros d'après les estimations gouvernementales.

Dès le mois d'août, l'ancien ministre des Finances publiques, Thomas Cazenave, argumentait en faveur de l'augmentation des franchises médicales à 1 euro. « Notre objectif est d'assurer le financement de la Sécurité sociale », déclarait l'ex-parlementaire de Gironde. En novembre, l'ex-ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, s'était également prononcé en faveur de cette initiative. « Ces fonds seront utilisés pour apporter des améliorations à l'hôpital », soutenait-il. Bien que le sujet ait été fréquemment discuté depuis le printemps, la décision n'a jamais été totalement endossée par le gouvernement.

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Jusqu'à la soirée de mardi. Face à l'assemblée de journalistes présents pour sa conférence de presse, le leader national a également souligné l'importance des économies nécessaires découlant de la mesure. "Les soins médicaux et les médicaments ont un coût", a argumenté Emmanuel Macron. "Nous utilisons trop de services médicaux", croit le Président de la République. En même temps, nous avons l'un des systèmes de santé les plus socialisés du monde", a-t-il ajouté.

Le Président estime que cette décision pourrait également rendre les Français plus responsables. "Je crois que cela favorise la responsabilité et c'est une bonne initiative", a-t-il déclaré. La "presque gratuité" des médicaments pourrait entraîner une "déresponsabilisation du patient", avait également estimé en juin, lors du Congrès des finances publiques, le ministre de l'Economie, Bruno le Maire.

4. Les Français consomment-ils beaucoup de médicaments ?

La consommation de médicaments en France est supérieure à celle des autres pays européens, un point souvent souligné par les autorités gouvernementales. Par exemple, en août, lors d'une intervention sur France Bleu, l'ancienne Première ministre Elisabeth Borne a noté que les dépenses en médicaments des Français ont augmenté de 4% pour la première fois entre 2021 et 2022.

Au cours de l'année suivante, il y a eu une augmentation supplémentaire d'un peu plus de 5%. En 2022, les dépenses en médicaments en dehors de l'hôpital se sont élevées à 32,8 milliards d'euros. La Sécurité sociale couvre les trois quarts de ces coûts.

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La Drees propose plusieurs raisons pour expliquer ces augmentations. La hausse en termes de volume (+9%) est principalement due à une augmentation significative des dépenses dans certains domaines thérapeutiques précis: les soins contre le cancer, les traitements pour la mucoviscidose, les immunosuppresseurs et les médicaments contre le diabète.

L'augmentation de l'utilisation de diverses thérapies innovantes contribue également à la croissance des dépenses, souligne la Drees. "Les coûts des médicaments contenant de l'ivacaftor pour soigner la mucoviscidose ont augmenté de 300 millions d'euros", indique par exemple l'organisme.

En définitive, cette augmentation est stimulée par une croissance du nombre de paquets distribués. "L'augmentation principale est due à des médicaments individuellement peu onéreux (paracétamol, antibiotiques, préparations nasales, traitements pour le rhume et la toux et corticoïdes à usage systémique), le nombre de paquets de médicaments susceptibles d'être remboursés a augmenté de 3,7%", indique la Drees.

5. Quelle est la réaction à cette décision ?

Les groupes de patients et les médecins indépendants déplorent l'augmentation défendue par le président, dans un contexte d'inflation et de difficultés économiques. "Nous nous sommes mobilisés depuis six mois pour empêcher que ces coûts ne soient multipliés par deux, afin de ne pas priver d'accès aux soins et à la santé ceux qui vivent juste au-dessus du seuil de pauvreté", cette "partie invisible de la population française", a commenté sur RMC Catherine Simonin, membre du conseil de l'association de patients la plus importante, France Assos Santé.

« Lorsqu'on est en mauvaise santé, on a constamment des frais supplémentaires, et ils sont importants », a déclaré Catherine Simonin, en mentionnant par exemple les frais supplémentaires des médecins spécialistes. Lors d'une visite chez le médecin, le patient doit également payer une participation fixe d'un euro, avec un maximum de 50 euros.

Du point de vue du syndicat des médecins MG France, la remise en question des franchises en novembre dernier était « complètement injuste » car cela reviendrait à « faire supporter le coût aux plus pauvres, aux plus malades ». Le syndicat s'inquiétait aussi que certains « puissent abandonner leurs soins ». Cette proposition avait également déclenché des débats acharnés et des critiques virulentes des partis d'opposition lors des discussions sur le budget de la Sécurité sociale pour 2024.

Tifenn Clinkemaillie

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