Échec pour Pékin : Rupture du “ticket” commun des candidats d’opposition à Taïwan renforce la position du parti au pouvoir

Un coup dur pour Beijing à Taiwan

Les candidats d'opposition qui étaient en faveur d'un arrangement avec la Chine ont brusquement rompu leur alliance commune pour l'élection présidentielle du 13 janvier. Cela crée une voie royale pour le candidat du parti en place, résolu à résister à un Xi Jinping obnubilé par l'idée de réunir à nouveau "l'île indisciplinée".

Par Yves Bourdillon

Il s'agit d'un bouleversement politique qui peut sembler insignifiant depuis Paris, mais qui est susceptible de contrarier considérablement Pékin. Cela présage des conflits à venir entre la Chine, Taïwan et son partenaire américain dans les prochains mois. À Taïwan, les candidats des deux principaux partis de l'opposition, généralement en faveur de la pacification voire de compromis avec Pékin, ont de manière spectaculaire déchiré l'accord qui devait leur donner l'opportunité de concourir ensemble à l'élection présidentielle du 13 janvier.

Hou Yu-ih, représentant du parti Kuomintang, et Ko Wen-je du TPP, n'ont pas réussi à s'entendre sur lequel d'entre eux se présenterait comme candidat à la présidence et qui assumerait le rôle de vice-président face au représentant du parti actuellement au pouvoir, le DPP, en l'occurrence le vice-président actuel Lai Ching-te. Au cours d'un débat télévisé jeudi soir, les deux rivaux ont échangé des commentaires cinglants et des invectives. Par conséquent, ils ont soumis individuellement leur candidature vendredi matin, juste avant la clôture des inscriptions.

Pékin s'apprête à manifester son mécontentement

C'est une occasion en or pour Lai Ching-te. C'est un moment très significatif sur le plan géopolitique, car le parti DPP est résolu à résister aux efforts de la Chine pour annexer, pacifiquement ou non, "l'île dissidente". En effet, la plupart des Taïwanais refusent catégoriquement d'être engloutis par le régime communiste. Bien que Lai Ching-te ait été en tête des sondages récents avec 35% des voix, il demeurait vulnérable face à une possible coalition entre Hou Yu-ih, qui avait 17,8% des voix, et Ko Wen-je, qui en avait 17,1%, tandis que 11,6% des voix étaient censées aller au milliardaire Terry Gou (qui s'est retiré vendredi).

Beijing, affirmant que Taiwan fait partie de son territoire car elle a été sous sa domination de 1683 à 1895, est vivement opposée au DPP et a cessé les communications de haut rang avec le gouvernement de la présidente en place, Tsai Ing-wen. La marine et l'armée de l'air chinoise effleurent chaque jour l'espace aérien et maritime de Taiwan pour mettre à rude épreuve la patience des pilotes de l'île, qui sont contraints de décoller pour des missions d'interception.

L'été dernier, l'autorité chinoise a désigné Lai Ching-te comme un « instigateur de conflits », l'accusant de vouloir proclamer l'indépendance officielle de Taïwan, ce qui entraînerait inévitablement une guerre, malgré sa promesse de préserver l'état actuel des choses qui a été en place depuis 1949. À ce moment-là, les forces du parti nationaliste Kuomintang s'étaient retirées sur l'île suite à leur échec sur le continent contre Mao Tsé-toung.

Une position étrange

Taiwan, formellement connu sous le nom de "République de Chine", est dans une position étrange car elle prétend toujours, de manière non réelle, représenter toute la Chine. Cependant, elle n'est considérée comme un État indépendant que par une poignée de petits pays qui peuvent se permettre d'ignorer les critiques de Pékin.

Les pays occidentaux ne la considèrent que comme un « état souverain de facto » ou une « entité possédant l'autodétermination », bien que Washington n'écarte pas l'option d'une aide militaire en cas d'attaque. Pour compliquer davantage la situation, Pékin est le principal partenaire commercial de Taïwan, probablement dans le but de l'influencer. Par exemple, le groupe de Terry Gou, Foxconn, un fournisseur clé d'Apple, est très présent en Chine continentale. Son retrait de la course présidentielle a probablement eu lieu sous la pression de Pékin, qui ne souhaite pas une dispersion des votes de l'opposition.

Un soulagement pour Washington

La dissolution du "billet" entre les deux candidats d'opposition majeurs est un coup dur pour Pékin, mais, naturellement, c'est une "respiration profonde pour Washington", note Chu Chao-hsiang, professeur à l'Université Nationale de Taïwan. Le candidat préféré, Lai Ching-te, est connu pour être pro-américain, son candidat à la vice-présidence n'est autre qu'un ancien ambassadeur de son pays aux États-Unis. Par conséquent, on pourrait s'attendre à ce que Pékin augmente sa rhétorique d'ici le 13 janvier et intensifie ses gestes militaires menaçants dans le détroit de 160 km qui sépare l'île du continent.

Le leader chinois, Xi Jinping, est obsédé par l'idée de faire de Taïwan, après Hong Kong, une partie intégrante de la Chine. Sauf en cas d'élection d'un candidat d'opposition disposé à négocier un retour à la Chine, cela pourrait un jour signifier une invasion de l'île, qui compte seulement 24 millions d'habitants (bien qu'elle soit essentielle pour l'industrie mondiale des semi-conducteurs) par une Chine qui compte 1,45 milliard d'habitants et qui est la deuxième plus grande économie mondiale.

On suppose que l'armée de Pékin est la deuxième plus grande au monde en termes de personnel et de matériel. Cependant, personne ne sait vraiment comment elle se comporterait dans une véritable bataille, car aucun de ses soldats n'a participé à un conflit militaire depuis 1979, au Vietnam.

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