Dégradation des finances publiques : la France perd du terrain en Europe

L'affaiblissement des fonds publics diminue la stature de la France en Europe.

L'Insee est susceptible de confirmer, mardi matin, l'importante déviation du déficit public en 2023. La France occupe désormais la pénultième place dans la zone euro, se situant juste devant l'Italie.

Par William de Calignon

La décision cruciale est attendue pour ce mardi et les conséquences pourraient être douloureuses. L'Insee est sur le point de révéler le montant du déficit public français pour 2023. Cependant, il est déjà évident que le résultat sera nettement inférieur aux prévisions optimistes du gouvernement il y a seulement quelques semaines.

Bercy prévoit désormais un déficit public de l'ordre de 5,6 % du PIB, en augmentation par rapport aux 4,9 % initialement prévus par le ministère des Finances. Cette hausse, qui représente entre 15 et 20 milliards d'euros, serait principalement due à un ralentissement des recettes fiscales et sociales fin de l'année dernière. Pour le gouvernement, qui vante son bilan économique depuis 2017, cette situation est politiquement préjudiciable à l'approche des élections européennes. De plus, une baisse de la note du pays par les agences financières est crainte d'ici à juin.

Un manque de 3,2 % du PIB dans la région euro

Des problèmes pourraient également surgir avec nos alliés européens. Il y a quinze jours, les analystes financiers de la Banque centrale européenne (BCE) prévoyaient que le déficit public de la région euro devrait atteindre 3,2 % du PIB en 2023. Bien qu'il ait toujours été attendu que la performance de la France serait inférieure à la moyenne européenne, l'écart avec nos partenaires devient de plus en plus significatif.

Au fil des années, le déficit budgétaire primaire de la France, une fois ajusté en fonction du cycle économique, se consolide. Jusqu'à présent, le gouvernement n'a pas eu à faire face à de grandes restrictions dans ce domaine, mais l'augmentation des taux d'intérêt change la donne. Dans l'Union européenne, les coûts d'intérêt devraient bientôt représenter 2% du PIB, avertit Patrice Gautry, économiste en chef de l'Union Bancaire Privée (UBP). Par conséquent, le fardeau de la dette devrait continuer à augmenter significativement dans le budget français d'ici 2027.

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ENTRETIEN – Dette, déficits publics : « La France n'est pas la cible mal vue des marchés »

En Europe, l'Espagne est maintenant considérée comme un élève modèle. En 2023, Madrid a enregistré un déficit public de 3,7%. Par ailleurs, le pays se distingue comme étant le leader de la zone euro en termes de croissance économique de l'année précédente, tout en ayant diminué son déficit budgétaire de 1 point de PIB. Le déficit des Pays-Bas n'a été que de 0,3% du PIB l'année dernière. Et pour le Portugal, il a annoncé lundi un excédent budgétaire significatif de 1,2% du PIB (contre les 0,8% prévus) !

L'Italie est le seul pays qui performe moins bien que la France, même avec le soutien du plan de relance de l'Union Européenne. Le gouvernement dirigé par Giorgia Meloni avait espéré que le déficit public ne dépasserait pas 5% du PIB, mais il a encore atteint 7% en 2023. L'Italie, avec la Grèce, est également le seul pays européen à avoir une dette plus importante que celle de la France.

L'Allemagne : élève modèle ou mauvais élève ?

L'Allemagne continue d'adopter une politique budgétaire rigoureuse malgré ses problèmes économiques. Le ministre des Finances, Christian Lindner, ne prévoit pas de modifier la politique de restriction de la dette et vise à retrouver le ratio de la dette pré-Covid, qui était inférieur à 60% du PIB, dans les deux prochaines années, comme il l'a récemment mentionné aux "Echos". C'est une sorte de "quoi qu'il en coûte" à la mode allemande. Cependant, un problème se pose : bien que le déficit soit faible, la croissance l'est également. Le PIB a diminué l'année dernière et restera probablement stable cette année. En termes d'activité économique, Berlin est donc actuellement considéré comme le mauvais élève de l'Europe.

La rigueur budgétaire allemande pourrait principalement nuire à ses alliés, en particulier la France. Patrick Artus, économiste en chef chez Natixis, considère qu'"si l'Allemagne ne révise pas ses politiques budgétaires, alors toute la zone euro en subira les conséquences", notamment parce que Berlin n'actualisera pas son secteur industriel. Une augmentation des dépenses publiques de la principale économie européenne favoriserait l'ensemble de la zone euro, d'après l'économiste.

Certains estiment que le pays pourrait reconsidérer sa stratégie de discipline budgétaire si la situation économique se détériore de nouveau. "Je ne peux pas écarter l'idée qu'en face de grands problèmes, l'Allemagne pourrait changer de cap et décider de stimuler son économie. Quoi qu'il en soit, actuellement, le pays se fait du tort en s'obstinant sur la limitation de l'endettement, cela n'a pas de sens sur le plan économique", estime Xavier Ragot, le président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Aussi à considérer :

Les inquiétudes concernant la dette publique de l'eurozone réapparaissent.

Il est question de déterminer si c'est le moment approprié pour mettre le pied sur le frein en ce qui concerne le budget, alors que l'économie de la zone euro est au point mort depuis un an et demi. La gestion budgétaire devrait atténuer l'impact. Cependant, comme le fait remarquer un haut responsable, lorsqu'on parle de croissance en France, les pays du Nord entendent dépenses. Cela rend la communication difficile. Au cours du dernier Conseil européen, on a discuté de la nécessité d'une politique budgétaire légèrement restrictive à l'échelle de l'UE.

Pour le moment, il ne semble pas que les marchés soient particulièrement préoccupés par la situation financière publique de la France. Le taux d'intérêt par rapport à l'Allemagne est identique à celui de l'année dernière. Est-ce que cela indique un changement dans la perception des marchés vis-à-vis des déficits ? En ce qui concerne les États-Unis, le gouvernement Biden a décidé d'augmenter les efforts pour réindustrialiser le pays. L'année dernière, le déficit a surpassé 7% du PIB, mais la croissance économique a, en revanche, augmenté à 2,5%.

Calignon de Guillaume

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