Déficit Public 2023 : Comment Bercy Explique un Décrochage Inédit et les Accusations de Dissimulation

Problème de déficit : Les explications de Bercy sur un écart « extrêmement inhabituel »

Lorsque le déficit public a été fixé ce mardi à -5,5 % pour 2023, bien au-delà des prévisions gouvernementales, le gouvernement s'est trouvé sous le feu des critiques. Bruno Le Maire a souligné une réduction imprévue des revenus fiscaux. De leur côté, les Républicains reprochent à Bercy d'avoir caché des informations.

Par Renaud Honoré et Sébastien Dumoulin

C'est un incident assez exceptionnel. Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes, a admis ce mardi sur France Inter que c'est "pas totalement sans précédent, mais très, très inhabituel". Avec la confirmation d'un déficit nettement supérieur à celui anticipé pour 2023, la confiance dans la gestion budgétaire de Bercy est remise en question, mettant le ministre des Finances Bruno Le Maire sur la sellette.

L'Insee a révélé que le déficit des finances publiques s'est finalement fixé à -5,5% du PIB, tandis que le gouvernement avait encore espoir d'atteindre 4,9% il y a quelque temps. Cela équivaut à un déficit d'environ 16 milliards, ce qui n'est pas négligeable ! François Ecalle, qui a fondé le site spécialisé Fipeco, estime que "Un écart de 0,3 point de PIB est habituel. Cependant, ici, avec un déficit de 0,6 point, c'est préoccupant".

21 milliards d'euros de revenus disparus

Pour expliquer cette situation, Bruno Le Maire a souligné "des conditions extraordinaires qui nécessitent une analyse approfondie". "Nous avons connu une croissance, mais les revenus fiscaux n'ont pas suivi", a-t-il déclaré. Par rapport aux dernières prévisions faites fin décembre – il y a seulement trois mois – les recettes publiques ont été inférieures de 21 milliards d'euros.

D'après le Ministère de l'Économie et des Finances, cette différence est principalement causée par la baisse rapide de l'inflation. « C'est en quelque sorte l'inconvénient qui accompagne l'avantage », déclare Bruno Le Maire. À cause de la lente progression des prix, les recettes de la TVA sont moins vigoureuses. Le ministère espérait recueillir plus de 96 milliards, mais n'a finalement obtenu que 92 milliards.

De plus, le ministre explique que puisque le SMIC est ajusté en fonction de l'inflation et que la moyenne des salaires tend à suivre les hausses du SMIC, les revenus provenant des cotisations salariales et de l'impôt sur le revenu sont considérablement réduits. En somme, les revenus découlant du travail sont de 7,6 milliards inférieurs.

Des imprévus déconcertants

Bercy a également été pris de court par la diminution des "honoraires de notaire" (-20 %), alors que le marché immobilier a subi un ralentissement sans précédent depuis l'ère post-guerre, due à l'augmentation des taux d'intérêt. Les frais de transfert de propriété étaient censés générer 1 milliard d'euros pour le gouvernement ; il a dû se satisfaire de 800 millions – soit une réduction significative de 20 %.

Il y a encore deux problèmes inquiétants dont les détails restent assez obscurs. Le premier concerne le rendement insatisfaisant de l'impôt sur les sociétés, qui s'est avéré inférieur de 4,4 milliards à ce qui était prévu. Bruno Le Maire a juste mis en lumière l'impact des sociétés financières et s'est engagé à approfondir la question.

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Au final, le gouvernement a dû reconnaître l'échec total de sa taxe spéciale sur les bénéfices des entreprises d'énergie – la célèbre CRIM (contribution sur les rentes inframarginales). Au moment de sa création, on espérait qu'elle générerait 12,3 milliards en 2023. À l'automne, le gouvernement n'en prévoyait plus que 3,7 milliards. En décembre, cette estimation a encore diminué à 2,8 milliards. En fin de compte, le ministère des Finances n'a réussi à percevoir que 300 millions, soit moins de 1 % des bénéfices réalisés par les producteurs, les distributeurs et les intermédiaires sur le marché de l'électricité, selon un rapport récent de la Cour des comptes.

"Bruno Le Maire a admis que cela crée un enjeu d'équité et d'efficience fiscale. Il fait appel aux législateurs pour améliorer l'efficacité de cette contribution spéciale sur les bénéfices des entreprises d'énergie. Le gouvernement a même exprimé sa volonté de revoir les détails de son impôt sur les producteurs d'électricité dans le courant de l'année".

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Les justifications fournies n'ont pas réussi à convaincre les opposants. Selon Christine Pirès Beaune, députée socialiste, soit nous faisons face à un mensonge, soit les méthodes de Bercy ne sont plus adéquates. Du côté de la droite, les propos sont encore plus agressifs. Olivier Marleix, le leader du groupe Les Républicains à l'Assemblée, a parlé d'une falsification des données financières du pays, ce qui est extrêmement sérieux, et fait référence aux travaux du sénateur Les Républicains Jean-François Husson.

"Suppression d'information"

Le responsable principal du budget au Sénat s'est rendu à Bercy la semaine dernière pour fouiller les documents techniques de l'administration des derniers mois. "Une première documentation en décembre avait déjà prédit que le déficit atteindrait au moins -5,2% en 2023, suivi d'une deuxième documentation en février annonçant -5,6% et signalant le besoin de réaliser 30 milliards d'économies. Cependant, le gouvernement a tergiversé, prenant des mesures tardives avec seulement 10 milliards d'économies", déclare Jean-François Husson, accusant le gouvernement de "suppression d'information".

Bruno Le Maire réfute catégoriquement ces allégations d'insincérité. "Je considère ces accusations comme étant fausses et inappropriées", a-t-il déclaré. Il souligne les 8 milliards d'euros de crédits annulés décidés en novembre pour l'année 2023, avant la mise en œuvre du plan d'économies de 10 milliards d'euros pour 2024. "Cela représente un total de 18 milliards d'euros, nous avons pris les mesures nécessaires." "Nous nions vigoureusement avoir dissimulé quoi que ce soit. Le fameux rapport de décembre de la Direction du Trésor conseillait de ne pas prendre de décisions en raison des incertitudes", explique Thomas Cazenave.

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ENTRETIEN – Pierre Moscovici : « Des mesures d'économie inégalées dans l'histoire récente sont requises »

ENTRETIEN – Jean-François Husson : « Le gouvernement semble renier ses propres promesses avec son programme d'austérité de 10 milliards »

Sébastien Dumoulin et Renaud Honoré

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