Crisis du logement en France : La Fondation Abbé-Pierre sonne l’alarme

Selon la Fondation Abbé-Pierre, "la crise du logement a atteint son point culminant"

La Fondation Abbé-Pierre soutient que le gouvernement n'a pris "aucune mesure significative" pour faire face à la crise du logement et, pire encore, s'apprête à nuire à la loi SRU sur le logement social. Déjà, il y a un manque de logements abordables pour les plus démunis et les centres d'hébergement d'urgence sont débordés.

Par Elsa Dicharry

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"Mes amis, venez en aide… Une femme a succombé au froid cette nuit, à 3 heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, tenant sur elle le document qui, il y a deux jours, l'avait fait expulser…" Le premier février 1954, l'Abbé-Pierre a fait son appel légendaire.

Sept décennies plus tard, l'organisation qui porte son nom met en lumière une situation toujours préoccupante concernant le mal-logement en France, dans son 29e document publié ce jeudi sur le sujet. Son représentant principal, Christophe Robert, considère même qu'en dépit des avertissements, "la crise du logement a éclaté" dans le pays.

330 000 personnes sans abri

Selon lui, le gouvernement n'a mis en place aucune mesure significative pour résoudre la crise, malgré les différentes solutions suggérées par les différents intervenants du secteur dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) pour le logement, qu'il a co-présidé l'année précédente. De plus, l'investissement public dans le logement n'a jamais été aussi bas, ne représentant que 1,6 % du PIB, comparativement à 2,2 % en 2010.

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La plupart des Français pensent qu'ils dépensent excessivement pour leur logement.

En conséquence, aujourd'hui, il y a 330 000 individus sans abri dans le pays. Les installations d'hébergement d'urgence sont surchargées. Christophe Robert signale que « chaque soir, en novembre dernier, 8 000 personnes qui composaient le numéro 115 étaient rejetées, y compris 1 400 mineurs ». Ce nombre a chuté à 4 500 personnes en janvier grâce à l'ajout de nouveaux lits. Cependant, cela reste insuffisant et « il y a également des individus qui ne tentent plus leur chance, à cause des nombreux refus », se désole-t-il.

Christophe Béchu, le ministre chargé de la Transition écologique, a insisté sur le fait que l'Etat a attribué un budget record pour l'hébergement d'urgence, qui s'élève à près de 3 milliards d'euros chaque année. Il a également souligné que l'engagement des autorités publiques n'a jamais été aussi important, avec en moyenne 203 000 places d'hébergement d'urgence disponibles au cours des trois dernières années. C'est plus du double qu'il y a dix ans.

Contrôle des locations de vacances à la traîne

Cependant, cet hiver a encore vu son lot de décès dans la rue. Cependant, au-delà de ces situations tragiques et extrêmes, de nombreux foyers ont du mal à trouver un logement, et un logement convenable, à des prix raisonnables. 600 000 vivent dans des conditions de logement déplorables. 2,6 millions attendent un logement social. "Nous n'avions jamais vu cela auparavant", se préoccupe le délégué général.

La création de nouveaux logements à loyer modéré est en déclin. En 2023, 82 000 approbations ont été accordées, contre 124 000 en 2016. Selon la Fondation Abbé-Pierre, ce déclin est en partie dû à la baisse des loyers de solidarité (RLS) imposée par le gouvernement aux propriétaires sociaux, ce qui a affecté leur capacité à investir.

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De manière globale, l'ensemble du processus de construction de logements est en difficulté. Le nombre de projets de construction a diminué pour atteindre environ 287 000 en un an, en 2023, comparativement à 435 000 en 2017. Par ailleurs, le gouvernement ne s'est pas fixé de nouvel objectif global de production. Toutefois, le Premier ministre, Gabriel Attal, vient d'annoncer un "choc de l'offre" dans le cadre de son discours sur la politique générale.

Dans l'immobilier ancien, l'augmentation importante des coûts entrave le marché. Trouver une location dans le secteur privé est devenue une véritable épreuve, compte tenu du fait que le volume de biens disponibles a diminué d'environ 60% en cinq ans, selon les experts, tandis que la demande, elle, a augmenté.

Manque de ministre

Une réglementation plus stricte des locations touristiques – afin de prévenir la diminution des hébergements réservés aux résidents dans certaines régions – a du mal à se mettre en place. Le gouvernement prétend pourtant la soutenir depuis plusieurs mois.

"Cela prend du temps, alors que l'on aurait besoin de mesures immédiates", continue le représentant principal de la Fondation Abbé-Pierre. Bien que le gouvernement ait soutenu une proposition de loi sur le sujet, qui a été adoptée par les députés en première lecture au début de la semaine, il a préféré ralentir sur les questions fiscales.

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Christophe Robert exprime sa déception quant au fait que le contrôle des loyers n'est toujours autorisé que de manière expérimentale dans les villes qui le désirent. Il est également préoccupé par le fait que les demandes pour ce dispositif sont actuellement suspendues.

Il estime que cette circonstance globale entraîne des effets tragiques pour les plus vulnérables. Il déplore que la réduction des logements à prix abordable exerce une pression sur la stratégie du "logement d'abord". Cette stratégie a pour but de fournir un logement stable à ceux qui n'ont pas de domicile, afin de les aider à quitter la rue.

Préoccupations concernant la loi SRU

Dans cette situation, le manque de décision concernant la désignation d'un ministre adjoint ou d'un secrétaire d'État chargé du Logement est perçu comme une regrettable perte de temps. Le discours du chef du gouvernement mardi n'a pas non plus réussi à apaiser la fondation, Christophe Robert y a même vu une provocation.

Gabriel Attal a suggéré d'intégrer l'habitat intermédiaire – visant les classes moyennes – au pourcentage obligatoire de logements sociaux exigé par la loi SRU dans plusieurs villes. Le secrétaire général a jugé cette idée comme étant une attaque envers la loi, rappelant que déjà, environ les deux tiers des villes ne la respectent pas.

Il existe en France plus de 600 000 habitations considérées comme inadéquates. Malgré les efforts des politiques publiques pour améliorer la qualité des logements, le problème persiste. Le nombre exact est difficile à déterminer, mais la Fondation Abbé-Pierre estime qu'il y a plus de 600 000 maisons qui pourraient être dangereuses pour la santé, la sécurité et le respect des personnes qui y habitent. Manuel Domergue, le directeur des études de l'organisation, souligne que cela reflète également la crise du logement dans le pays.

Une proposition législative concernant cette question a été approuvée en première instance par la Chambre des députés, et il considère que "c'est une bonne direction". Cependant, selon lui, il y a un manque de participants actifs sur le terrain pour aider les familles et les communautés.

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En dix ans, le nombre de personnes sollicitant un logement HLM en Ile-de-France a quasiment doublé.

Problème de logement : le gouvernement présente son nouveau programme de 500 millions d'euros.

Elsa Dicharry

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