Controverse autour de l’intention du gouvernement de mettre fin au logement social « à vie »

Le gouvernement fait face à de sévères critiques suite à ses commentaires sur le logement social « permanent ». Pour favoriser la mobilité dans le secteur du logement social, le gouvernement va exiger que les propriétaires surveillent de plus près les revenus de leurs locataires. Un dispositif que les bailleurs sociaux ont déjà grâce à la loi Molle de 2009, soulignent de nombreuses figures de gauche. Cependant, ce dispositif est mal utilisé, selon le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian.

Par Samir Touzani

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Ce texte pourrait déclencher de vifs débats. Dans une interview accordée aux "Echos" ce jeudi, le ministre chargé du Logement, Guillaume Kasbarian, a suscité la controverse en annonçant qu'un futur projet de loi viserait à abolir le concept de logement social "à vie" pour tous.

L'administration prévoit d'encourager les locataires de logements sociaux dont les revenus excèdent nettement les limites établies à quitter ces logements, dans l'objectif de stimuler le mouvement dans le marché locatif, a-t-elle annoncé. Les autorités souhaitent imposer aux propriétaires de logements sociaux une analyse régulière et obligatoire de la situation individuelle, financière et de patrimoine de leurs locataires.

Ces mesures seront incluses dans le projet de loi visant à accroître la disponibilité de logements à prix abordable, qui sera soumis au Conseil des ministres au début du mois de mai – probablement le 7 mai – avant d'être étudié au Sénat à la mi-juin. Cependant, elles ont déjà provoqué de nombreuses réactions défavorables.

L'Union sociale pour l'habitat (USH), l'entité représentative du secteur HLM, a déclaré dans une note que la "concept de logement permanent […] n'a aucune base légale", tout en exhortant à "ne pas succomber à la démagogie". Plusieurs personnalités de gauche ou du secteur du logement ont rapidement critiqué l'idée principale du gouvernement visant à encourager la mobilité des locataires, affirmant qu'elle est déjà présente dans les législations existantes.

"Etude sur les revenus"

C'est avec une certaine stupéfaction que je constate que le ministère du Logement véhicule lui-même le concept de "logement social permanent". Je l'encourage à consulter les articles L.441-9 et L.442-3-3 du code de la construction et du logement. Le premier exige une étude annuelle des revenus", a déclaré Emmanuelle Cosse, ancienne ministre du Logement pendant le mandat de Hollande et actuelle présidente de l'USH, sur la plateforme X.

À l'heure actuelle, les résidents de logements sociaux sont tenus de remplir chaque année une "enquête sur les revenus" pour justifier de leur situation financière. Si leurs revenus dépassent un certain seuil, le propriétaire peut parfois refuser de renouveler le contrat de location. Ces mesures ont été mises en place suite à l'adoption de la Loi Molle en 2009, qui vise à faciliter l'accès au logement et à lutter contre l'exclusion sociale.

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EDITORIAL Stop au faux-semblant concernant le logement social

"Ian Brossat, le sénateur communiste et ancien adjoint à la maire de Paris en charge du logement, a critiqué la politique du gouvernement sur X. Il juge déplorable le fait que le gouvernement souhaite expulser les "locataires trop riches" des logements sociaux. Il rappelle que cette mesure est déjà existante depuis la loi Molle et que seules les personnes âgées et handicapées sont exemptées. Le gouvernement envisagerait-il de les mettre à la porte ?"

"Promouvoir l'éviction des classes moyennes des habitations à loyer modéré (HLM) sous prétexte qu'elles sont trop aisées revient à encourager la marginalisation de nos HLM", a-t-il déclaré dans un communiqué. Selon lui, cela équivaudrait à "passer d'un système universel à un système marginal où le logement social ne serait destiné qu'aux plus vulnérables, excluant ainsi complètement les travailleurs". Il a ajouté que la proposition "relève de l'hypocrisie car elle suggère que les résidents des HLM seraient actuellement à l'abri d'une expulsion".

"C'est absurde ! Depuis l'instauration de la loi Molle, le bail à vie en HLM n'est plus garantie en cas de sous-occupation, de dépassement des limites de ressources, et bien évidemment en cas de démolition, non-paiement ou troubles causés aux voisins…", a également critiqué Manuel Domergue, responsable des études à la Fondation Abbé Pierre.

Augmentation de la valeur du bail

Selon Guillaume Kasbarian, ces vérifications ne sont pas performantes. Plus de 8% des résidents des logements sociaux ne seraient plus qualifiés pour un habitat subventionné s'ils en faisaient la demande aujourd'hui. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a repris cet argument en déclarant que certains résidents pourraient même posséder une "maison de vacances" tout en profitant d'un logement social.

Comme le mentionne Guillaume Kasbarian, il mentionne un autre dispositif disponible pour les propriétaires : la capacité d'ajuster le loyer en fonction des revenus du locataire. "Il n'est pas juste que quelqu'un qui reçoit le RSA et quelqu'un qui possède une fortune considérable paient le même loyer chaque mois", a-t-il affirmé sur Public Sénat.

Il existe déjà un système de loyer supplémentaire qui peut être exigé du locataire si ses revenus dépassent de 20% ou plus les plafonds de revenus nécessaires pour obtenir un logement social. "Cependant, il doit être rendu plus efficace", avait déclaré le ministre du Logement aux "Echos". L'année précédente, certains députés avaient suggéré de réduire ce taux de 20%.

Samir Touzani

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