Budget 2024 : Les défis de Bercy face à la pression sociale et aux tensions du marché

Le ministère des Finances fait face à des défis importants en termes de tensions sociales et de pression des marchés pour le budget de 2024. Ce mercredi, le gouvernement a exposé le projet de loi de finances pour 2024, qui indique un rétablissement lent des finances publiques. Cela est dû à un climat social difficile à cause des augmentations de prix, la majorité des mesures d'économie étant reportée à 2025. Cependant, l'importante somme de dettes qui sera émise l'année prochaine rend la tâche compliquée.

Par Renaud Honoré

C'est probablement un avantage associé à l'engagement dans la durée. En effet, Bruno Le Maire, qui présentait son septième projet de loi de finances consécutif – un exploit en soi – a dévoilé son budget pour 2024 ce mercredi. En même temps, il a initié le débat sur le prochain budget pour 2025. "Le défi de 2025 est considérable, nous devrons identifier 12 milliards d'euros d'économies. […] Nous avons une demi-année à notre disposition pour les préciser, toutes les contributions positives des membres du parlement sont bienvenues", a averti le ministre de l'Economie lors d'une audition devant le comité des Finances de l'Assemblée.

C'est une confession intéressante qui laisse entendre que, avec le budget de 2024, l'administration a choisi de reporter la majorité des efforts à l'année prochaine. En effet, ce projet de loi de finances prévoit une diminution du déficit de 4,9 % à 4,4 % du PIB, bien que le Haut Conseil des finances publiques estime que cet objectif est "ambitieux", selon un avis rendu mercredi.

Cependant, il semble que les efforts pour réduire la dette sont minimes, celle-ci restant stable à 109,7% du PIB. Cela est dû à des économies structurelles très restreintes, symbolisées par l'augmentation prévue du nombre d'employés de l'État (avec plus de 8 000 postes nouvellement créés).

Budget à la Macron

Ce budget est typiquement dans l'esprit Macron. "Libérer, protéger" : en respectant son slogan de 2017, le président a toujours démontré depuis son arrivée à l'Elysée une préférence modérée pour la réduction des dépenses au nom de la protection indispensable des citoyens. Il a plutôt choisi de parier sur des réformes structurelles stimulant la croissance pour rétablir les finances publiques.

Le projet de loi de finances (PLF) 2024 est parfaitement aligné sur cette ligne de pensée. En ce qui concerne la croissance, elle est prévue pour être élevée, à 1,4 %, malgré le fait que la majorité des économistes – ainsi que le Haut Conseil des finances publiques qui la considère comme "élevée" – soient beaucoup moins confiants. "Ils se sont trompés par le passé", rétorque le ministre des Finances.

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Cette augmentation continue est censée apporter de substantielles entrées d'argent, même si le gouvernement préconise la stabilité fiscale pour l'année suivante. Boostée par l'inflation, la TVA devrait générer 10 milliards d'euros supplémentaires pour l'État (+5 %). En parallèle, malgré l'ajustement du barème, l'impôt sur le revenu devrait rapporter 94 milliards à l'État l'année prochaine (+4 %). Quant à l'impôt sur les sociétés, le ministère de l'Économie et des Finances met en avant les avantages de sa politique de l'offre et prévoit d'en tirer 72 milliards d'euros en 2024, ce qui représente une nouvelle augmentation impressionnante de 18 %.

"Protection sociale"

La sauvegarde sociale n'a pas été négligée. Bercy a dû modifier son approche face à une situation politique et sociale toujours préoccupée par l'impact de l'augmentation des coûts de la nourriture et du carburant. Alors que la réhabilitation financière était considérée comme le principal combat au printemps, Bruno Le Maire a cette fois-ci identifié "la gestion de la crise inflationniste" comme "le challenge principal" à surmonter avec ce budget.

Les 25 milliards dédiés à l'ajustement des aides sociales en fonction de l'inflation sont maintenant présentés comme un symbole. Mathieu Lefèvre, leader du groupe Renaissance au sein de la commission des Finances à l'Assemblée, a loué cette mesure, la qualifiant de "véritable rempart social en cours de mise en place".

Cette sauvegarde implique également "l'investissement pour anticiper le futur". Cette phrase fait référence aux multiples augmentations de financements allouées aux priorités d'Emmanuel Macron – transition écologique, éducation, santé, autorité de l'Etat, etc.

Sommet historique de l'endettement

Tout cela ne laisse guère de marge pour les économies. Certes, le gouvernement prévoit d'en réaliser 16 milliards à partir de 2024, mais la grande majorité provient de la fin programmée de la majorité des aides temporaires instaurées pour atténuer l'impact de l'augmentation des prix de l'énergie. Abordant le projet de 2025, Bruno Le Maire a lui-même indirectement reconnu les limites de cette démarche : « Nous avons atteint un point où les économies circonstancielles sont suffisantes », a déclaré le ministre, appelant à « une refonte du champ d'action de l'Etat et du fonctionnement de notre système social ».

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Est-ce que cela suffira à apaiser les marchés financiers ? Il est crucial de ne pas faire d'erreur, car la France prévoit d'émettre un montant sans précédent de 285 milliards d'euros d'obligations pour se financer l'année prochaine. De plus, le budget de l'État prévoit une augmentation de la charge de la dette de 10 milliards d'euros l'année prochaine, atteignant 48 milliards.

Bruno Le Maire a cherché à apaiser les craintes, soulignant que le spread – la différence de taux avec l'Allemagne – est resté stable depuis le printemps 2022. Cependant, il reste à voir si cette situation restera la même dans six mois, à l'heure où les agences de notation réévalueront leur position sur la dette française et où Bruxelles décidera si une procédure de déficit excessif est nécessaire.

Honoré Renaud

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