Bercy envisage de cibler les producteurs d’électricité pour la taxe sur les “superprofits

Bercy souhaite circonscrire la discussion sur la taxe des "superprofits" aux fournisseurs d'électricité. Le ministre des Finances envisage de prolonger en 2025 la taxe sur les revenus exceptionnels des producteurs d'électricité. Récemment, la Cour des comptes a plaidé pour un renforcement de cette mesure, estimant qu'elle n'était pas assez efficace. Les acteurs de l'énergie, quant à eux, remettent en question sa validité légale.

Par l'auteur Sébastien Dumoulin

Bruno Le Maire refuse catégoriquement toute augmentation des impôts. Confronté à une dérive des finances publiques, le ministre de l'Economie ne pense qu'à réduire considérablement et rapidement les dépenses. Cependant, il est prêt à faire une exception à cette règle de stabilité fiscale en prolongeant pour une année de plus l'impôt sur les producteurs d'électricité, appelé « contribution sur les rentes inframarginales » (CRIM).

Lors de son passage sur BFM vendredi, Bruno Le Maire a réaffirmé sa réticence à imposer une taxe sur les "superprofits" des entreprises pour l'année suivante, à l'exception du secteur de l'énergie. "Comme en 2023, le budget prévoit de récupérer les bénéfices exceptionnels réalisés par les entreprises d'énergie, principalement en raison de l'augmentation spectaculaire des prix", a précisé le ministre.

Différences d'opinion au sein du parti au pouvoir

Bruno Le Maire accorde cette concession dans un contexte où les discussions sur les questions fiscales sont de plus en plus tendues au sein du parti au pouvoir. Depuis longtemps, le Modem plaide pour des augmentations ciblées d'impôts (taxe sur les rachats d'actions et les superdividendes, ISF vert…). Récemment, de nombreux membres du parti, y compris la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, ont exprimé des opinions similaires et ont demandé au gouvernement de ne pas rester figé dans ses idées. Plusieurs députés du groupe Renaissance envisagent de présenter eux-mêmes une proposition de loi sur l'imposition des "superprofits".

Jetez également un œil à :

LE POINT POLITIQUE DU JOUR – Taxes : l'évolution des sujets interdits

Pour éviter ces discussions, Bercy envisage donc d'introduire une nouvelle taxe exceptionnelle sur les producteurs d'électricité uniquement en 2025. Il envisage même de la renforcer. "Je suis tout à fait disposé à revoir cette contribution inframarginale pour l'améliorer et garantir que les fournisseurs d'énergie ne tirent pas profit de l'énergie", a déclaré Bruno Le Maire ce lundi sur RTL.

Une taxe mal conçue

Cette observation rejoint les fortes critiques émises par la Cour des comptes la semaine précédente concernant la CRIM. Les juges financiers critiquaient les failles du système, qui ont permis aux producteurs, distributeurs et intermédiaires sur les marchés de l'électricité de faire des bénéfices de 30 milliards d'euros grâce à la crise énergétique – alors que l'État n'a récupéré que 2,8 milliards d'euros grâce à la CRIM en 2022 et 2023 (selon les dernières prévisions publiées en décembre par le gouvernement)… une somme bien inférieure aux 12,3 milliards espérés.

Selon son compte rendu, la Cour des comptes a encouragé le Parlement à modifier le périmètre et les méthodes de calcul de la contribution sur les rentes inframarginales pour l'année 2024, dans l'objectif d'en accroître le rendement. Le Ministère de l’Économie et des Finances semble pencher en faveur d'un renforcement. La question est de savoir comment cela sera réalisé. Est-ce qu'il s'agira d'inclure certaines catégories jusque-là exclues telles que les stockages hydrauliques ? De réduire les limites définissant les marges imposables des diverses technologies ? Ou bien d'augmenter la portion de ces marges supplémentaires prélevée par les impôts, qui était initialement fixée à 90% mais qui a été réduite à 50% en 2024 ?

Incertitude légale

Peu importe le moyen utilisé, cette action pourrait bien être mal vue par les producteurs d'électricité. D'après nos sources, plusieurs d'entre eux ont déjà fait appel devant le Conseil d'Etat l'été dernier, remettant en question la légalité d'une mesure qui irait bien au-delà du cadre du règlement européen dans lequel elle était supposée s'insérer. En théorie, ce règlement n'exigeait des États membres de limiter les bénéfices des entreprises énergétiques que du 1er décembre 2022 au 30 juin 2023.

En juin 2023, la Commission européenne a décidé qu'il serait mieux de ne pas étendre le plafonnement, car cela créait de nombreuses différences entre les pays et pouvait perturber le marché, explique Sarah Dardour-Attali, partenaire juridique chez CMS Francis Lefebvre. Elle rappelle qu'une plainte a été déposée par des producteurs belges au niveau de l'UE. "Une question préjudicielle a été renvoyée par la Cour d'appel de Bruxelles à la Cour de justice de l'Union européenne. Leur verdict pourrait influencer l'application passée et future des mesures de plafonnement en France".

Dumoulin Sébastien

Nouvellement introduit : explorez nos propositions Premium !

Nos Clips

SNCF : est-ce que la compétition peut réduire le coût des tickets de train ?

Crise du logement, environnement : l'avenir de la maison individuelle est-il en danger ?

Autoroutes : pourquoi les tarifs des péages augmentent-ils ? (et cela ne semble pas vouloir s'arrêter)

Est-ce que le déclin du taux de naissance est vraiment un souci ?

Le plus populaires

EXCLUSIF – Le gouvernement s'inquiète d'un déficit de 5,6 % du PIB en 2023, Emmanuel Macron tire la sonnette d'alarme

Les nouvelles mesures du gouvernement pour lutter contre les fraudes fiscales et sociales

Dépense publique : la France privilégie les retraites et la santé Premium

En tête

Déficit : Bercy prévoit des négociations ardues avec Bruxelles

Nucléaire : dernière étape avant le lancement de l'EPR de Flamanville

Pourquoi les salaires de mars pourraient être payés en retard

Budget fiscalité

Déficit : Bercy anticipe des discussions compliquées avec Bruxelles

Le déficit public a dépassé les limites l'année dernière, à 5,5 % du PIB

Taxe sur les "superprofits" : Bercy souhaite circonscrire le débat aux producteurs d'électricité

Pratique

P

L'Equipe

Toutes les propriétés sont gardées – Les Echos 2024