Augmentation d’impôts : Gabriel Attal cherche à imposer sa vision, mais la majorité est en désordre

Augmentation des impôts : Gabriel Attal cherche à imposer sa vision, tandis que la majorité demeure agitée

La taxe sur les rachats d'actions, le crédit d'impôt pour la recherche, le gel partiel du barème de l'impôt sur le revenu et l'augmentation de la taxe sur les fournisseurs d'énergie ont enflammé le débat fiscal au sein de la majorité face à la dérive des finances publiques. Gabriel Attal a affirmé ne pas être dogmatique, tout en établissant deux limites non négociables. La situation inquiète Bercy à l'approche des élections européennes dans deux mois.

Par l'auteur Renaud Honor

Si l'ambition était de calmer la situation critique qui se profile, il ne semble pas que cela ait été réalisé. Mercredi soir, Gabriel Attal a essayé de rétablir l'harmonie au sein de la majorité concernant l'augmentation des impôts. Cependant, la discussion paraît encore loin d'être terminée et des suggestions de réformes fiscales – même si elles sont camouflées – continuent de troubler le parti présidentiel, y compris le gouvernement.

Lors de son apparition sur le Journal de 20 heures sur TF1, le chef du gouvernement a cherché à réitérer la philosophie macroniste, qui est d'éviter toute augmentation d'impôts, tout en utilisant son propre vocabulaire. Moins affirmatif que Bruno Le Maire, il a déclaré qu'il n'envisageait pas cela d'un point de vue dogmatique, mais avec "deux limites claires". "La première est de ne pas alourdir le fardeau fiscal des classes moyennes qui ont œuvré toute leur vie. […] Deuxièmement, je ne vais pas augmenter les impôts qui financent le travail des Français", en faisant référence aux entreprises. Concernant l'imposition des plus fortunés, il a exprimé son désir de voir des suggestions crédibles de la part de l'opposition, tout en soulignant que "la France n'est une oasis fiscale pour personne".

Le Modem espère une possible ouverture

L'absence d'un refus absolu n'est pas passée totalement inaperçue. C'est le cas à gauche parmi les opposants, qui prône l'utilisation de l'outil fiscal pour faire face à l'augmentation du déficit qui a atteint -5,5% du PIB en 2023.

Claude Raynal (PS) note que Gabriel Attal est ouvert au dialogue. En tant que président de la commission des Finances du Sénat, il s'est rendu à Bercy ce jeudi, tout comme les leaders des groupes parlementaires – à l'exception de ceux de Liot et LR – pour discuter avec plusieurs ministres du gouvernement au sujet du futur budget de 2025. "Une conversation productive peut seulement avoir lieu si le gouvernement reconnaît que la question est celle du blocage budgétaire, et pas uniquement de la quantité des dépenses. Nous apporterons des suggestions si l'on parle à la fois de dépenses et de revenus", dit-il, avertissant d'une éventuelle "crise politique".

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Dans le camp majoritaire, ceux qui soutiennent des changements fiscaux espèrent que le sujet n'est pas totalement clos. Jean-Paul Mattei constate que Gabriel Attal semble être plus réceptif que Bruno Le Maire sur ce thème, et qu'il a entendu des rumeurs selon lesquelles il serait ouvert à des mesures spécifiques. En tant que leader du groupe Modem à l'Assemblée nationale, Mattei persiste dans sa volonté de modifier la fiscalité du capital. Il rappelle qu'il avait proposé l'année dernière des modifications au budget concernant la taxe sur les super-dividendes. Bien que cela ne soit plus le sujet du jour, il suggère d'examiner d'autres sujets, comme le prélèvement unique sur le capital. Il annonce que le Modem présentera des propositions concrètes avant la fin du printemps.

Direction constante

Cependant, le gouvernement et les leaders influents de la majorité maintiennent leur position et insistent sur le fait que l'intouchabilité fiscale est toujours d'actualité. "La direction est de résister à l'augmentation des impôts," confirme un membre clé de l'équipe. Cela n'empêche pas certains défenseurs de la doctrine Macronienne de réfléchir à des mesures qui ressemblent étrangement à des augmentations d'impôts. "La réduction des avantages fiscaux est aussi une augmentation d'impôts, mais elle n'est généralement pas perçue comme telle", observe un membre de la majorité.

L'avenir du crédit d'impôt recherche (CIR) est une fois de plus incertain, ce qui suscite des inquiétudes parmi les chefs d'entreprise qui cherchent à tirer la sonnette d'alarme. Bruno Le Maire leur a garanti que l'engagement de réduire les impôts de production serait respecté, bien qu'il n'ait pas réussi à les rassurer complètement. "Il y a une réelle tension parmi les entrepreneurs", affirme un représentant du Medef.

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L'escalade du déficit met le gouvernement dans une situation critique.

Il y a un an, Emmanuel Macron avait promis une taxe sur les rachats d'actions, mais cette idée avait été mise de côté. Aujourd'hui, une source gouvernementale confirme que ce sujet est toujours en discussion, ce qui n'est pas sans inquiéter certains poids lourds du CAC 40. Jean-Paul Mattei et Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, soutiennent également cette mesure. Ils ont aussi évoqué l'idée d'imposer une taxe sur les profits excessifs des grandes entreprises.

De nombreux membres de la majorité, y compris Sylvain Maillard, le chef du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale, plaident également pour une suspension de l'échelle de l'impôt sur le revenu. Un législateur pense que "si cela évite la première tranche, ce serait une action équitable".

Préoccupations à Bercy

Cette multitude d'idées génère des préoccupations à Bercy. "Soyons prudents pour ne pas promouvoir des actions symboliques qui remettraient en question la politique économique en place depuis sept ans. Taxer les rachats d'actions rapporterait 200 millions. Cela n'est pas proportionnel aux défis à relever", fait remarquer un collaborateur de Bruno Le Maire.

Il semble réticent à offrir des opportunités aux adversaires politiques. La communication récente de Jordan Bardella (RN) concernant X, dans laquelle il évoque des "augmentations d'impôts qui étoufferaient encore plus les classes moyennes" suite aux déclarations de Yaël Braun Pivet, n'est pas passée inaperçue. "Ce n'est vraiment pas le moment de proposer des changements budgétaires, surtout quand nous sommes déjà en pleine campagne pour les élections européennes", estime un conseiller ministériel. Même l'intention de Jean-René Cazeneuve (Renaissance), le rapporteur principal du budget à l'Assemblée nationale, de renforcer la taxe sur les producteurs d'électricité par le biais d'une proposition de loi avant l'été, est accueillie avec une certaine froideur. "Il faut être prudent dans la situation actuelle", conseille le membre du cabinet ministériel.

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Honoré Renaud

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