Sur le bord du précipice : Les défis économiques imminents de la Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie se trouve au seuil d'une crise économique majeure

La remise en marche de l'économie de l'île, qui a subi de plein fouet les troubles de mai, n'est pas encore amorcée. Les affaires ne prospèrent pas, un travailleur sur trois est sans emploi, et les coffres locaux sont quasi vides. Les parties prenantes de l'économie redoutent maintenant des soulèvements dus à la famine avant la clôture de l'année.

Par Anne FEITZ

Rester optimiste. Selon Eric Vlaeminck, il n'a pas vraiment d'autres options. "Si on se couche en ressentant une anxiété intense, on ne pourra pas continuer…", déclare le dirigeant d'une entreprise spécialisée en isolation thermique, basée à Nouméa. En tant que sous-traitant pour des usines métallurgiques en Nouvelle-Calédonie, l'entreprise souffrait déjà des effets de la crise du nickel. Les émeutes de mai ont ensuite exacerbé le déclin de ses opérations.

Trois mois après, il redoute une faillite totale. "Il ne me reste que 26 employés, comparé à 85 à temps plein l'année précédente", dit-il. "J'ai déjà été contraint de laisser partir des talents indispensables. Mais désormais, les revenus ne sont plus suffisants pour couvrir les remboursements et les coûts fixes."

Assistance financière insuffisante

Eric Vlaeminck n'est qu'un parmi les milliers de dirigeants d'entreprise qui craignent le pire en Nouvelle-Calédonie. Certains ont déjà tout perdu. "Environ 1.200 entreprises ont été saccagées ou détruites par le feu pendant les troubles sociaux, c'est un chiffre stupéfiant", déclare Pierrick Chatel, secrétaire général de la CPME Nouvelle-Calédonie. Il y a énormément de désespoir parmi nos membres, qui représentent la majeure partie de l'économie de l'île. Tous les secteurs ont été affectés! Et beaucoup se trouvent dans une situation précaire.

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La reconstruction de la Nouvelle-Calédonie est en stand-by depuis trois mois. La situation concernant l'ordre public et la sécurité n'est toujours pas résolue. Un autre conflit a eu lieu le 15 août, faisant un mort et portant le bilan à 11 victimes depuis mai. Pierrick Chatel est désespéré : « Il n'y a plus de service de bus, une voie est encore bloquée par des protestataires indépendantistes à Saint-Louis, entraînant le confinement de 12 000 personnes chez elles et empêchant l'accès à l'usine métallurgique du sud… L'économie ne peut pas fonctionner dans de telles circonstances ! ».

Les entreprises constatent que les soutiens financiers promis sont versés lentement. Xavier Benoist, à la tête de la Fédération des industries locales, signale que sur 16.000 demandes faites dans le cadre du fonds de solidarité, la moitié n'a toujours pas reçu de réponse. Parallèlement, l'Etat avait annoncé un financement de 100 millions d'euros pour le chômage partiel, mais jusqu'à présent, seuls 40 millions ont été alloués, selon David Guyenne, le dirigeant de la chambre de commerce et d'industrie (CCI).

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Les assureurs, eux-mêmes en proie à des difficultés, sont lents à rembourser les entreprises touchées. "Sur 3 300 réclamations déclarées pour plus d'un milliard d'euros, seulement 1 200 expertises ont été achevées, ce qui a permis de libérer 120 millions d'euros", informe David Guyenne. D'après le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, le coût total des dommages causés par les troubles de mai s'élève à 2,2 milliards d'euros.

Manifestations de la famine

Les professionnels de l'économie locale pensent que le Caillou a vu son PIB diminuer de 20% à 30% en trois mois (normalement à 8 milliards d'euros par an). "Aujourd'hui, 25 000 travailleurs sont affectés par le chômage, complet ou partiel", ajoute David Guyenne. Cela représente plus d'un tiers des 68 000 personnes employées par le secteur privé sur le Caillou (qui a une population de 270 000 habitants).

« Il n'y a pas une seule compagnie dans le domaine privé qui n'est pas affectée. En fait, les compensations légales pour le chômage partiel sont de 70% du salaire minimum », rapporte Eric Vlaeminck. Ceux qui en ont la capacité sont déjà en train de planifier leur départ. La CCI prévoit que entre 6.000 et 10.000 individus vont quitter la région cette année.

A Paris, ils se vantent de leurs Jeux Olympiques, pendant que nous sommes en train de souffrir ici… Nicolas Metzdorf, Député.

Résultat : la demande a fortement chuté, provoquant une baisse importante de la TVA. En l'absence de revenus fiscaux, les finances publiques locales sont au plus bas. D'après les dernières prévisions du gouvernement local, le déficit atteindrait 271 millions d'euros (soit 17% des recettes fiscales), bien que certains pensent que ce chiffre est largement minimisé. "Le gouvernement local est en faillite. Il ne peut déjà plus assurer la gratuité des soins médicaux, et il en sera bientôt de même pour les salaires et les pensions des employés de l'Etat… La situation est critique !", déclare Nicolas Metzdorf, député loyaliste (Ensemble pour la République) de Nouvelle-Calédonie.

"Nous observons actuellement seulement la partie visible de l'iceberg, sans savoir ce qui nous attend", prévient Eric Vlaeminck. Dans un article d'opinion publié la semaine dernière dans "Les Echos", la CPME exprime sa peur que le pays soit prochainement aux prises avec des soulèvements dus à la faim. "Et cela pourrait arriver en France, en 2024", insistent les responsables de cette organisation patronale.

Ils ne sont pas les seuls à anticiper une telle conséquence, en l'absence d'une action rapide de la part du gouvernement. Celui-ci a promis une aide de 300 millions d'euros, principalement sous forme de prêts, une somme que les intervenants locaux jugent largement insuffisante. "Il est urgent de réinvestir entre 2 et 3 milliards d'euros dans l'économie", dit Xavier Benoist. Paris nous rappelle que le développement économique est de notre ressort, mais les pertes ont été causées par une défaillance du gouvernement, censé assurer la protection des biens et des individus sur son territoire !" L'arrivée d'un nouveau gouvernement complique encore les choses. Nicolas Metzdorf ne cache pas sa déception : "A Paris, ils se vantent avec les Jeux Olympiques, et nous ici on sombre…"

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L'effrayante débâcle d'un secteur du nickel en détresse en Nouvelle-Calédonie.

Anne Feitz

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