La provenance des migrants en France devient de plus en plus variée
D'après une enquête de l'Insee dévoilée ce jeudi, en 2023, la France comptait 7,3 millions d'immigrants, représentant 10,7% de la population totale. La moitié de ces immigrants sont originaires d'Afrique. La raison principale de leur arrivée est généralement le rassemblement familial.
Par Frédéric SCHAEFFER
Les partisans de la théorie du "grand remplacement" peuvent être déçus. En 2023, la France comptait 7,3 millions d'immigrés, c'est-à-dire de personnes nées hors de France, selon une étude publiée par l'Insee ce jeudi. Parmi ceux-ci, 34% ont obtenu la nationalité française (statistiquement parlant, une personne demeure immigrée même si elle devient française). Ces personnes constituent 10,7% de la population, comparé à 6,5% en 1968.
Le nombre d'immigrants en France est resté relativement constant dans les années 1970, 1980 et 1990, mais a commencé à augmenter au début du 21ème siècle pour diverses raisons. Cette tendance n'est pas limitée à la France, mais reflète une augmentation des déplacements entre différents pays, comme l'indique Sylvie Le Minez, responsable de l'unité des études démographiques et sociales de l'Insee.
Cette tendance est principalement due à l'augmentation du nombre d'étudiants internationaux et aux crises géopolitiques qui ont conduit à l'afflux de réfugiés « dans divers pays européens ». Au début de l'année 2023, on comptait 81 000 immigrants ukrainiens en France, ce qui représente une augmentation de 50 000 par rapport à l'année précédente, selon l'Insee.
Rejoindre la famille, emploi, instabilité…
L'augmentation du nombre d'immigrants est aussi plus marquée que celle de la population générale depuis le début des années 2000, en raison d'une diminution de la natalité combinée à une hausse des décès due à l'entrée dans la vieillesse de la génération du baby-boom.
Un autre aspect à noter est la diversification des origines des migrants. En 2023, environ 48 % des immigrants proviennent d'Afrique, 32 % d'Europe, 14 % d'Asie et 6 % d'Amérique et d'Océanie. Bien que l'immigration africaine en France ait connu une croissance constante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pays d'où proviennent ces immigrants ont changé au fil du temps : actuellement, six immigrants africains sur dix viennent du Maghreb, alors qu'en 1968, après la décolonisation, ce nombre était de neuf sur dix.
À l'opposé, le chiffre des migrants originaires de l'Afrique subsaharienne a été multiplié par deux depuis 2006, en raison de raisons liées à la réunification familiale, à l'éducation, à l'emploi ou à des troubles et instabilités politiques dans leur pays natal.
L'Insee souligne que les raisons de l'immigration en France sont très différentes selon les régions. Près de la moitié (46%) des immigrants d'Afrique indiquent le regroupement familial comme raison principale, tout comme ceux d'Asie. Cependant, un quart des immigrants asiatiques mentionne également l'instabilité dans leur pays d'origine comme l'une des raisons qui les a poussés à immigrer en France. Ce motif est même plus fréquemment cité par plus de la moitié des immigrants du Moyen-Orient. Pour les immigrants nés en Europe, les principales raisons sont le travail (37%) et la famille (34%).
En plus de ces statistiques majeures, les rapports de l'Insee se penchent aussi sur des détails spécifiques de l'immigration en France :
· Une vive sensation de dévalorisation chez les migrants africains
Bien que l'emploi soit la troisième raison citée par les migrants africains, le processus migratoire entraîne généralement une rupture dans leur carrière et leur intégration ne répond souvent pas à leurs espérances. "Les migrants d'Afrique ressentent une dévalorisation plus intense que les autres", note Odile Rouhban, chercheuse à l'Insee. Un tiers (32%) des migrants africains en âge de travailler jugent que leur travail est inférieur à leurs qualifications. Cette sensation de dévalorisation n'est ressentie "seulement" par 26% des migrants nés en Europe ou en Asie et est exprimée par un quart (24%) des non-migrants.
Cette émotion reflète un fait concret : bien qu'une grande part des migrants africains ayant eu un travail avant leur déplacement en France ait réussi à obtenir un emploi avec le même niveau de compétence, 26% d'entre eux sont actuellement dans des postes moins qualifiés que ceux qu'ils occupaient avant leur déplacement.
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Posséder un diplôme d'études supérieures ne protège pas nécessairement d'une éventuelle dégradation de carrière, comme le démontre le fait que 36% des immigrants africains dans cette situation sont diplômés du supérieur. L'Insee suggère plusieurs raisons à cela, dont le non-reconnaissance de certains diplômes obtenus à l'étranger, une maîtrise potentielle insuffisante de la langue française ou une discrimination plus importante envers les immigrants d'Afrique.
L'étude souligne que l'impression générale de dévalorisation vécue par les immigrants africains ne peut pas seulement être attribuée à une durée de séjour en France relativement plus courte. En réalité, même après plus de quinze ans passés en France, 30% des immigrants africains continuent d'éprouver ce sentiment de dévalorisation.
· L'apprentissage du français, un obstacle majeur pour les Asiatiques
Parmi tous les immigrants, ceux originaires d'Asie (1 million résidant en France) sont ceux qui ont le plus de mal avec la langue française lors de leur arrivée. L'Insee note que « six sur dix n'avaient pas du tout de compétences en français ». Cette connaissance limitée au départ s'explique par la présence moins importante de la langue française en Asie due à l'histoire coloniale, et aussi par une moindre similitude entre le français et les langues parlées en Asie. Seuls 14 % d'entre eux ont grandi dans un environnement où le français était parlé, comparativement à 19 % des immigrants d'Europe et 46 % des immigrants d'Afrique.
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Bien que leur connaissance limitée du français puisse constituer un obstacle à leur intégration sociale et professionnelle, l'Insee remarque que les immigrés asiatiques progressent significativement. Leur capacité en langue s'améliore avec le temps passé en France, avec l'éducation reçue sur le territoire français, ou avec la présence d'un partenaire né en France. La jeunesse est également un facteur positif. Un nombre croissant d'immigrés d'origine asiatique s'installe en France pour poursuivre leurs études, en particulier, près d'un immigré chinois sur deux. L'âge médian à l'arrivée en France des immigrés chinois est de 24 ans et ces derniers sont de plus en plus qualifiés.
· L'attraction des migrants européens pour les zones limitrophes
Où se situent les migrants en France? On observe que ceux qui viennent des pays limitrophes à la France ont une préférence pour les régions situées aux frontières et en Ile-de-France. Par exemple, l'Insee note que près de 40% des migrants nés en Espagne vivent en Occitanie ou en Nouvelle-Aquitaine. De même, les migrants d'origine italienne vivent presque deux fois plus en Auvergne-Rhône-Alpes ou Provence-Alpes-Côte d'Azur (38%) comparativement à la population totale (20%). Pour ajouter un autre exemple, un tiers des migrants allemands vivent dans la région du Grand Est.
Pour les expatriés provenant de pays européens qui n'ont pas de frontière directe avec la France, la région de l'Ile-de-France est leur lieu de vie le plus courant, comme c'est le cas pour tous les expatriés. En 2023, un quart des expatriés d'Europe vivent dans cette région. L'étude de l'Insee souligne aussi que "même s'ils résident en France, certains expatriés originaires de pays limitrophes travaillent à l'étranger, dans leur pays natal ou un autre, profitant ainsi de la liberté de mouvement au sein de l'espace Schengen".
Frédéric Schaeffer
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