Le partage des obligations entre l’ancien et le nouvel employeur

I. RÉPARTITION DES DETTES SALARIALES
A. Dettes à la charge du nouvel employeur

En application de l’article L. 1224-2 du Code du travail, le nouvel employeur est tenu, à l’égard des salariés transférés, des dettes de salaires non réglées par l’ancien employeur à la date du transfert. Toutefois, une convention peut être passée entre l’ancien et le nouvel employeur, permettant à ce dernier de demander le remboursement des dettes salariales ainsi réglées.

Le nouvel employeur est également redevable des dettes nées après le transfert, même si celles-ci sont la contrepartie d’un travail effectué chez le précédent employeur.
Le salarié peut, de même, agir directement contre son ancien employeur pour obtenir le paiement de ses créances salariales.
Exemples :

  • une prime de fin d’année est à la charge du nouvel employeur si son versement a lieu après le transfert. Cependant, le nouvel employeur sera fondé à réclamer auprès de l’ancien employeur le remboursement de la fraction de la prime correspondant au temps de travail passé chez ce dernier ;
  • le même raisonnement s’applique pour les indemnités de congés payés.

Le salarié peut également agir directement contre son ancien employeur pour obtenir le paiement de ses créances salariales.

Remarque : les dates de congés payés fixées par l’ancien employeur s’imposent au repreneur, sauf circonstance exceptionnelle (nécessité de service et d’organisation de l’entreprise par exemple).

B. Dettes à la charge de l’ancien employeur

Certaines dettes salariales sont exclusivement à la charge de l’ancien employeur. En cas de litige, le salarié devra donc agir directement auprès de celui-ci. Il s’agit :

  • de l’indemnité de licenciement valablement prononcé par l’ancien employeur, même si le préavis se poursuit chez le nouvel employeur ;
  • des rappels de salaires se rapportant à des contrats déjà rompus ;
  • des créances de dommages-intérêts sanctionnant une faute de l’ancien employeur.

Ces dettes salariales ne sont pas transmises car elles concernent des contrats de travail qui ne sont plus en cours au moment du transfert de l’entreprise.

Attention : cette règle ne s’applique pas en cas de fusion-absorption puisque la société absorbante reprend tout le passif de l’entreprise absorbée.
II. LA QUESTION DU LICENCIEMENT

Le licenciement d’un salarié avant comme après le transfert de l’entreprise n’est pas prohibé dès lors qu’il n’est pas prononcé dans le but de contourner les dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail qui impose le maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise.

A. Le licenciement prononcé par l’ancien employeur avant le transfert

L’ancien employeur peut licencier un salarié avant la date du transfert dès lors que le licenciement est motivé par un motif personnel valable.
En revanche, le licenciement pour motif économique, prononcé avant le transfert de l’entreprise (ou plus précisément à l’occasion du transfert), n’est pas valable, puisqu’il va à l’encontre de l’objectif posé par l’article L.1224-1 du code du travail.
En conséquence, le salarié licencié pour motif économique pourra :

  • soit demander au repreneur la poursuite de son contrat de travail aux conditions initiales ;
  • soit demander à l’ancien employeur, auteur du licenciement, la réparation du préjudice subi du fait de la perte de son emploi. Dans ce cas, l’ancien employeur peut appeler en garantie le repreneur qui, en refusant de reprendre le salarié aux mêmes conditions, a contribué au préjudice subi par ce dernier.

Remarque : le salarié sera privé de ce choix si le repreneur l’informe de sa volonté de poursuivre le contrat de travail avant la fin de son préavis de licenciement. Dans ce cas, le changement d’employeur s’impose au salarié.

Attention ! En cas de manoeuvre frauduleuse entre l’ancien et le nouvel employeur en vue de faire échouer l’application de l’article L.1224-1 du code du travail, ce dernier pourra être tenu responsable du licenciement avec l’ancien employeur et être condamné au paiement de dommages et intérêts.

B. Le licenciement prononcé par le nouvel employeur après le transfert

Une fois le transfert opéré, le  nouvel employeur peut procéder à des licenciements pour motifs personnel ou économique à la condition de respecter les règles de droit commun de ces licenciements.

Attention : en tout état de cause, le recours au licenciement ne doit pas constituer un détournement de procédure destiné à faire échec au transfert des contrats de travail, sous peine de nullité des licenciements prononcés, entraînant, dès lors, la réintégration des salariés concernés et le paiement des salaires dus entre le prononcé du licenciement et la réintégration des salariés.
1. Le licenciement pour motif personnel

Le nouvel employeur doit justifier d’une cause réelle et sérieuse de licenciement. En cas de licenciement pour faute, l’employeur peut invoquer à l’appui de ce licenciement des fautes ou des négligences commises par le salarié alors qu’il était sous l’autorité de l’ancien employeur. Cette possibilité est toutefois envisageable seulement si l’employeur a agi dans le délai de deux mois à compter de la date à laquelle il a eu connaissance des faits fautifs. Attention : le licenciement pour faute est soumis à une prescription de 2 mois à compter de la connaissance des faits par le repreneur, auteur du licenciement.

L’absence de cause réelle et sérieuse à l’appui du licenciement entraîne le versement de dommages et intérêts calculés en fonction de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise :

  • lorsque le salarié a au moins deux ans d’ancienneté dans une entreprise d’au moins onze salariés, une indemnité au moins égale à six mois de salaire est allouée au salarié ;
  • lorsque le salarié a moins de deux ans d’ancienneté ou si l’entreprise a moins de onze salariés, une indemnité calculée en fonction du préjudice subi par le salarié lui est allouée.Cette indemnité est souverainement appréciée par les juges.
2. Le licenciement pour motif économique

Si la réorganisation de l’entreprise le rend nécessaire, le repreneur peut décider de :

  • modifier les contrats de travail : l’employeur doit proposer cette modification au salarié concerné. Si celui-ci refuse, l’employeur dispose alors d’une option : soit poursuivre le contrat de travail aux conditions initiales, soit initier une procédure de licenciement pour motif économique ;
  • procéder à un ou des licenciement(s) : la procédure de licenciement pour motif économique doit alors être respectée.