La sauvegarde

I. CONDITIONS D’OUVERTURE DE LA SAUVEGARDE
A. Qui est concerné ?

La procédure de sauvegarde s’adresse à toute entreprise commerciale, artisanale, agricole ou libérale (personne physique ou morale) ainsi qu’aux autres personnes morales de droit privé (une association, par exemple).

Remarque : les auto-entrepreneurs peuvent bénéficier d’une procédure de sauvegarde, les dispositions issues de l’ordonnance du 18 décembre 2008 et du décret du 12 février 2009 ayant supprimé toutes références à l’immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés.

B. Quand faire la demande ?

La procédure de sauvegarde peut être ouverte sur demande du débiteur qui, sans être en état de cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Remarque : le débiteur n’a plus à démontrer que les difficultés rencontrées sont de nature à la conduite à la cession des paiements.

C. Comment faire la demande ?

Seul le représentant légal de la personne morale (ou le débiteur personne physique) peut demander l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

La demande d’ouverture doit être déposée en six exemplaires auprès du greffe du tribunal compétent. Elle comprend plusieurs intercalaires à compléter relatifs notamment à la nature des difficultés rencontrées par l’entreprise, les raisons pour lesquelles elle n’est pas en mesure de les surmonter, les perspectives de redressement, etc. Elle doit être datée et signée par le déclarant qui certifie sincères et véritables les renseignements indiqués.

Les pièces suivantes doivent être jointes en six exemplaires à la demande :

  • un extrait k-bis datant du jour du dépôt (original + 5 copies) ;
  • la copie d’une pièce d’identité du représentant légal ou du commerçant ;
  • un état d’endettement datant du jour du dépôt (original + 5 copies) ;
  • comptes annuels du dernier exercice ;
  • situation de trésorerie de moins de 8 jours ;
  • une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de désignation d’un mandataire ad hoc ou l’ouverture d’une conciliation dans les 18 mois précédant la demande ou, dans le cas contraire, une attestation sur l’honneur faisant état d’une telle désignation ou de l’ouverture d’une telle procédure en mentionnant sa date ainsi que le tribunal qui y a procédé.

Remarque : si l’un de ces documents ne peut être fourni ou ne peut l’être que de manière partielle, la demande doit indiquer les raisons qui empêchent cette production.

Une provision de 450 euros est demandée au débiteur au moment du dépôt de la déclaration au greffe. Elle englobe les premiers frais engagés qui sont à la charge du débiteur (insertions au BODACC et dans les journaux d’annonces légales, frais de jugement et de signification, etc.).

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II. PROCÉDURE
A. Ouverture

Le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure après avoir entendu le débiteur et les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel. Il peut également entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile ou charger un juge de recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise. Ce magistrat peut lui-même se faire assister d’un expert de son choix.

Remarque : la présence du ministère public est obligatoire lors de l’ouverture de la procédure lorsque le débiteur bénéficie ou a bénéficié d’un mandat ad hoc ou d’une procédure de conciliation dans les 18 mois qui ont précédé. Dans ce cas, le tribunal peut, d’office ou à la demande du ministère public, obtenir communication des pièces et actes relatifs au mandat ad hoc ou à la conciliation.

Le tribunal rend un jugement d’ouverture dans lequel il désigne le juge-commissaire mais aussi deux mandataires de justice :

  • un mandataire judiciaire qui a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers ;
  • un administrateur judiciaire chargé de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l’assister dans ses actes de gestion.

Remarque : toutefois, le tribunal n’est pas tenu de désigner un administrateur judiciaire lorsque la procédure est ouverte à l’égard d’une entreprise dont le nombre de salariés est inférieur à vingt et le chiffre d’affaires hors taxe à 3 millions d’euros.

Le débiteur a désormais la possibilité de proposer un administrateur à la désignation du tribunal.

Le jugement est ensuite notifié au débiteur par le greffier dans les huit jours de la date du jugement qui en adresse également copie à :

  • l’administrateur et au mandataire judiciaire désignés,
  • au procureur de la République,
  • au trésorier-payeur général du département dans lequel le débiteur a son siège et, en cas de pluralité d’établissements, à celui du département où se trouve le principal établissement.

Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde est mentionné au registre du commerce et des sociétés. Le greffier procède d’office aux formalités de publicité dans les quinze jours de la date du jugement (BODACC, avis de parution dans un journal d’annonces légales).

B. La période d’observation

La procédure de sauvegarde commence par une période d’observation d’une durée maximale de six mois, renouvelable une fois. Elle peut aussi être exceptionnellement prolongée de six mois, à la demande du procureur de la République.

Pendant cette période, l’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant, éventuellement assisté d’un administrateur judiciaire.

L’ordonnance prévoit que si le débiteur en fait la demande, le tribunal désigne un commissaire priseur judiciaire, un huissier de justice, un notaire ou un courtier assermenté pour réaliser l’inventaire. Dans le cas contraire, le débiteur établit lui-même l’inventaire qui doit être certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable.

Le débiteur remet à l’administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe également des instances éventuelles en cours.

C. Élaboration du plan de sauvegarde
1. Bilan économique et social

L’administrateur établit le bilan économique et social de l’entreprise qui précise l’origine, l’importance et la nature des difficultés de l’entreprise. Au vu du bilan économique et social et le cas échéant, environnemental, le débiteur avec le concours de l’administrateur propose un plan. De son côté, le mandataire judiciaire dresse la liste des créances déclarées qu’il transmet au juge-commissaire.

2. Établissement et arrêt du plan de sauvegarde

Le plan est adopté par le tribunal. Il indique d’abord les mesures économiques de réorganisation de l’entreprise qui peut comporter l’arrêt, l’adjonction ou la cession d’une ou plusieurs activités. Le plan de sauvegarde prévoit les modalités de règlement des dettes, déduction faite des délais et remises consentis par les créanciers.
Lorsqu’il existe une possibilité sérieuse pour l’entreprise d’être sauvegardée, le tribunal arrête un plan qui met fin à la période d’observation.

3. Durée du plan de sauvegarde

La durée du plan ne peut excéder dix ans.

4. Exécution du plan de sauvegarde

Le tribunal nomme l’administrateur ou le mandataire judiciaire en qualité de commissaire chargé de veiller à l’exécution du plan. Si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan, le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution.

Lorsque les difficultés qui ont justifié la procédure de sauvegarde ont disparu, le tribunal clôt la procédure, à la demande du commissaire chargé de l’exécution du plan, du débiteur ou de tout intéressé.

III. EFFETS

A. Sort de l’entreprise

Dans la procédure de sauvegarde, l’entreprise n’est pas à vendre.

1. Continuation des contrats en cours

La poursuite de certains contrats en cours peut être nécessaire au maintien de l’activité de l’entreprise. D’autres, en revanche, peuvent être de nature à aggraver la situation déjà fragile de l’entreprise. En conséquence, l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours.

Le contrat en cours est résilié de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat, adressée par le cocontractant à l’administrateur, et restée plus d’un mois sans réponse. Le contrat est également résilié à défaut de paiement et d’accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. A la demande de l’administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

Lorsque le contrat est poursuivi, chacune des parties doit en exécuter les obligations.

Remarque : quant au bail commercial, l’administrateur peut également en demander la résiliation. Dans ce cas, elle prend effet au jour de sa demande.

2. Interdiction des paiements

Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture (sauf compensation de créances connexes).

Les créances postérieures au jugement d’ouverture nées pour les besoins du déroulement de la procédure, de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.

Le jugement d’ouverture emporte interdiction de payer toutes les autres créances nées après le jugement d’ouverture.

B. Sort du débiteur

Pendant toute la durée de la procédure, le dirigeant n’est jamais dessaisi de la gestion de l’entreprise. L’administrateur, quand il y en a un, n’exerce qu’une mission de surveillance ou d’assistance.

L’arrêt du plan par le tribunal entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques conformément à l’article L. 131-73 du Code monétaire et financier, mise en oeuvre à l’occasion du rejet d’un chèque émis avant le jugement d’ouverture de la procédure.

C. Sort des créanciers
1. Comités de créanciers

Ils sont obligatoires lorsque les comptes ont été certifiés par un commissaire aux comptes ou établis par un expert-comptable et lorsque le nombre de salariés de l’entreprise est supérieur à 150 et lorsque le chiffre d’affaires est supérieur à 20 millions d’euros. La constituion des comités de créanciers est facultative en dehors de ces cas.

L’administrateur judiciaire réunit les établissements de crédit et les établissements assimilés et les principaux fournisseurs de biens ou de services en deux comités dans un délai de trente jours à compter du jugement d’ouverture.

Chaque fournisseur de biens ou de services est membre de droit du comité des principaux fournisseurs dès lors que ses créances représentent plus de 3 % du total des créances des fournisseurs. Les autres fournisseurs peuvent en être membres sur sollicitation de l’administrateur.

Les comités sont appelés à se prononcer sur le projet de plan. Après s’être assuré que les intérêts de tous les créanciers sont suffisamment protégés, le tribunal entérine le projet en arrêtant le plan.

Remarque : l’administration fiscale, les organismes de sécurité sociale et les ASSEDIC sont également associés aux efforts consentis pour sauver l’entreprise et peuvent, dans ce cadre, accepter de remettre tout ou partie des dettes du débiteur (article L. 626-6 du Code de commerce).

2. Créances antérieures au jugement d’ouverture de la procédure
a) Déclaration de créance

A partir de la publication du jugement, les créanciers (à l’exception des salariés) dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture ont deux mois pour adresser une déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire.

b) Arrêt des poursuites individuelles

Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent, à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement. Il en est de même pour les procédures d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles.

c) Arrêt du cours des intérêts

Le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus.

Remarque: les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts.
3. Créances postérieures au jugement d’ouverture de la procédure

Les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance. Sinon, elles sont payées par privilège avant toutes les autres créances à l’exception du superprivilège des salaires, des frais de justice et du privilège de la conciliation (voir fiche La conciliation).